Perfectionnisme, le cas d’un étudiant sous pression

La quête de la perfection

Le perfectionnisme est un trait de personnalité souvent valorisé dans notre société et un phénomène complexe souvent observé dans les environnements académiques et professionnels exigeants et dans le sport de haut niveau. Il peut se transformer en un fardeau écrasant lorsqu'il est poussé à l'extrême. Il se manifeste par une recherche incessante de la perfection, engendrant souvent stress, épuisement et divers problèmes psychologiques. Cette quête incessante de la perfection peut conduire à un épuisement physique et mental important. À travers l'étude de cas de Julien, un jeune étudiant en médecine, explorons les mécanismes sous-jacents du perfectionnisme et les stratégies thérapeutiques employés en utilisant une approche de thérapie systémique pour atténuer ses effets néfastes. Mettons en lumière les défis et les solutions possibles pour les professionnels et les scientifiques intéressés par cette thématique.

Le cas de Julien

Julien, 20 ans, étudiant en première année de médecine et joueur passionné de rugby, illustre parfaitement les défis du perfectionnisme. Julien a grandi dans un environnement où l’excellence était implicitement attendue.

Vivant en semaine dans un studio à Bordeaux et rentrant le week-end chez ses parents, Julien jongle entre ses études intensives et ses entraînements sportifs. Aîné de quatre enfants, Julien a toujours ressenti une pression implicite pour exceller, tant dans ses études que dans le sport. Ses performances académiques et sportives sont sources de fierté familiale, mais aussi de pression intense.
Cette double pression a engendré chez lui des symptômes physiques de stress, tels que des éruptions cutanées, ainsi qu'une irritabilité accrue. Malgré une tentative d'abandonner le rugby pour se concentrer sur ses études, percevant ses études comme une lourde charge, Julien a rapidement ressenti le besoin de revenir à son équipe, soulignant une lutte interne entre ses aspirations et ses limites.

Symptômes et manifestations

Depuis plusieurs années, Julien souffre de stress chronique et de fatigue intenses, accompagnés de manifestations somatiques telles que des éruptions cutanées sur le visage et le dos. Il devient fréquemment colérique, se sent incompris par ses proches et envisage même d’abandonner le rugby pour se consacrer uniquement à ses études. Cependant, après une brève interruption, il revient sur sa décision, ce qui inquiète son père au point de suggérer une consultation thérapeutique.

Évaluation initiale et alliance thérapeutique

Lors de notre première rencontre, Julien se présente bien, souriant et détendu. Cependant, dès que la conversation aborde les raisons de sa consultation, il exprime rapidement son épuisement et son sentiment de perte de contrôle : « Je n’en peux plus, je sens que tout m’échappe, si ça continue je vais m’écrouler. » Julien décrit une vie où tout va trop vite, une pression constante et un sentiment d’être dépassé, Il se compare à un conducteur roulant à vive allure sans pouvoir freiner, illustrant ainsi sa difficulté à ralentir et à accepter ses limites. Il expose une vie marquée par une pression constante et un rythme effréné où il peine à concilier ses aspirations académiques et sportives. Malgré sa passion pour la médecine, il ressent une lourdeur, comme si ses études étaient un fardeau inévitable.

Exploration des ressources personnelles et familiales

Il est essentiel de comprendre non seulement les difficultés de Julien, mais aussi les dynamiques familiales qui l’entourent. Ses parents, bien intentionnés, à travers des attentes élevées et leur perception de lui comme un modèle de réussite, projettent une image de lui en parfait compétiteur, ce qui exacerbe son besoin de contrôle et de perfection. Pour établir une alliance thérapeutique, le thérapeute adopte une posture empathique et, en validant les sentiments de Julien, il ouvre un espace où Julien peut exprimer librement ses angoisses et ses frustrations. Cette étape est nécessaire pour établir une relation de confiance et favoriser un dialogue authentique sur ses expériences et ses émotions.

Analogie thérapeutique et premières interventions

Le thérapeute propose à Julien une analogie pour illustrer son état : « Tu te retrouves tel un chauffeur qui roule à plus de 130 km/h sur la voie de gauche de l’autoroute avec les freins qui ne fonctionnent plus. » Cette image résonne fortement en lui, révélant sa difficulté à ralentir malgré les signaux de détresse de son corps. Cette image l'aide à comprendre l'urgence de sa situation et la nécessité de ralentir pour éviter un effondrement.

Définition du problème et schéma de perception-réaction

Ensuite, le travail est orienté vers des croyances sous-jacentes qui le poussent à maintenir un tel rythme, notamment que l'idée de ralentir serait synonyme d’échec.

Il associe le ralentissement à une faiblesse inacceptable et le perfectionnisme à une protection contre l'échec et la désapprobation, exacerbée par le besoin de maintenir une image impeccable auprès de ses proches. Ce besoin incessant de perfection crée un cycle vicieux de stress et de fatigue. Le thérapeute questionne son besoin de perfection, mettant en lumière le paradoxe de ses efforts constants qui, loin de le libérer, le piègent davantage dans un cycle d’épuisement et de stress. En remettant en question ses croyances et en introduisant l'idée que l’imperfection peut être tolérée, le professionnel cherche à déconstruire ses schémas rigides.

Identification du problème et stratégies thérapeutiques

À travers des échanges structurés, il est identifié que le perfectionnisme de Julien le poussait à une quête incessante de la performance parfaite, tant dans le sport que dans ses études. Cependant, cette quête ne lui apportait pas la satisfaction escomptée, mais plutôt un cycle de stress et de frustration. Pour l'aider à comprendre ce mécanisme, le thérapeute a utilisé des analogies et des questions pour illustrer le paradoxe de son comportement : « Plus tu cherches à tout contrôler, moins tu te sens bien. 

Prescription de tâches et intervention stratégique

L'accompagnateur propose à Julien une tâche thérapeutique basée sur le modèle de Giorgio Nardone : chaque jour, il doit introduire volontairement un petit désordre dans son ordre. Il doit commettre une petite erreur ou tolérer une légère imperfection, une légère violation de son contrôle. Cette approche vise à ébranler doucement son schéma perfectionniste, à réduire progressivement son besoin de contrôle en lui permettant d’expérimenter la tolérance à l’imperfection, en lui permettant de constater que le monde ne s'effondre pas lorsqu’il relâche un peu la pression.

Cette prescription paradoxale avait pour but de briser son cycle perfectionniste et de lui montrer que le relâchement de la rigueur extrême ne compromettrait pas ses performances, mais pourrait au contraire alléger son fardeau mental.

Suivi et évolution

Lors de la deuxième séance, Julien présente un cahier où il a noté ses « erreurs » quotidiennes, ses expériences quotidiennes de tolérance à l’imperfection. Bien qu’il décrive ces expériences comme difficiles, il reconnaît un certain soulagement progressif et une prise de conscience accrue de ses schémas de pensée. Cet exercice lui a permis de percevoir que ces petites imperfections n'avaient pas d'impact négatif sur ses performances. Le thérapeute valide ses efforts et renforce cette dynamique positive en les validant et en encourageant son engagement continu et sa progression dans le processus thérapeutique.

Efficacité de la thérapie systémique et stratégique

Après six mois et sept séances, Julien a réussi à atténuer son perfectionnisme et montre des améliorations significatives. Il ne ressent plus l’angoisse omniprésente et il a ainsi réduit son stress. Il a amélioré sa qualité de vie et retrouvé un équilibre dans ses relations et se sent plus épanoui dans ses études et le rugby. Ce cas clinique démontre l'efficacité de l'approche systémique et stratégique pour traiter le perfectionnisme en permettant aux patients de développer une relation plus saine avec leurs objectifs et leurs performances.

Il souligne l'importance de l'alliance thérapeutique et des interventions stratégiques pour aider les personnes à surmonter les effets négatifs du perfectionnisme.

Réflexions et perspectives

Le perfectionnisme, bien qu'il puisse sembler bénéfique à court terme, peut entraîner des conséquences graves sur le long terme. C'est une problématique délicate qui nécessite une compréhension approfondie des dynamiques individuelles et systémiques. Ce cas souligne l’importance de stratégies thérapeutiques adaptées, capables de déconstruire les schémas rigides et d’introduire de la flexibilité dans les comportements et les perceptions des patients. Pour les professionnels de la santé mentale, cette approche offre une voie prometteuse pour traiter les effets délétères du perfectionnisme sur la santé psychologique et physique et applicable à d'autres contextes similaires.

Ce récit clinique met en lumière la nécessité d'une intervention thérapeutique soigneusement adaptée aux besoins spécifiques des patients tout en soulignant l'importance de l'alliance thérapeutique et de la collaboration active pour favoriser le changement et la guérison.

Je souhaite consulter 

Prendre rendez-vous

Références

• Bardot, E. - Bardot, V.- Roy, S. (2022). De l’HTSMA à la thérapie du lien et des mondes relationnels, Satas
• Ben-Shahar, T. (2011). L’apprentissage de l’imperfection, Pocket
• Nardone, G. (1999). Psychosolutions, Enrick Editions
• Nardone, G. - Chiodini, M. - Meringolo, P. (2016). Tel un phénix, Enrick Editions
• Nardone, G. (2008). Chevaucher son tigre, Editions du Seuil
• Nardone, G. - Balbi, E. (2008). Sillonner la mer à l’insu du ciel, Le Germe
• Ramirez, M. (2009). Ces gens perfectionnistes peuvent-ils être heureux? Edition Le jour Eds
• Wittezaele, J-J (2003). L’homme relationnel, Seuil Couleur Psy Cours

Où se former à l’approche systémique et stratégique ?

• LACT propose plusieurs parcours de formations web certifiantes en direct avec 50 formateurs internationaux.
• Formation systémique généraliste
• DU en Clinique de la Relation avec l'Université Paris 8
• Mastère Clinique avec spécialisation en psychopathologie avec le CTS du Pr Nardone
• Formation Coach Systémique
• Formation Systémique en management de la relation avec l'Université de Grenoble