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Approche systémique stratégique et hypnose

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  • Diplômée d'un Master de Philosophie, d'un DU Clinique de la relation et intervention stratégique et d'une certification en Hypnose, Chloé SUBRA, praticienne et formatrice, accompagne particuliers, sportifs et organisations. Elle est co-fondatrice et responsable pédagogique d'Alter Horse, leader en equicoaching depuis 2013.

Cet article explore l'hypnose et l'approche systémique et stratégique pour traiter l'insomnie, s'inspirant des maximes chinoises et de la logique paradoxale. Avec des techniques novatrices telles que la double contrainte thérapeutique, il offre de nouvelles perspectives pour un changement durable dans la gestion des troubles du sommeil.

L’hypnose comme stratégie de compliance

L’hypnose comme stratégie de compliance

Dans leur ouvrage À la recherche de l’école de Palo Alto (Wittezaele, Garcia-Rivera, 1992, p.356), les auteurs ouvrent le chapitre Inconscient et psychothérapie de la sorte : 

« Il serait absurde de nier le fait que la plupart des informations traitées par notre organisme n’atteignent pas la conscience ; la façon dont nous construisons nos images mentales ainsi que la plupart de nos apprentissages et les leçons que nous en tirons demeurent inconscients. » 

L’influence fondamentale que l’on doit imputer à l’inconscient dans la construction d’une réponse comportementale ou émotionnelle n’est plus à démontrer, et cela, tant à l’endroit des conduites volontaires (ce que le patient essaie de faire pour résoudre son problème) que des réactions involontaires (tentatives de solutions spontanées ou subies) (Nardone, 2000,  Préface de Jean-Jacques Wittezaele )

L’enseignement des grands systémiciens nous apprend qu’il est utile de comprendre la structure d’un trouble pour l’utiliser dans la stratégie de résolution ; d’utiliser, dans la prescription, la même logique que la pathologie persistante en en réorientant le sens (Nardone, 2000). 

Ainsi, si le trouble avance masqué, à couvert, de manière involontaire et incontrôlable, on peut supposer qu’il persiste avec et par l’inconscient. Les tentatives de solutions qui l’alimentent et le maintiennent sont parfois des réactions involontaires. Utiliser les outils de la communication stratégique et de l’hypnose sans transe s’inscrit dans la logique précédemment édictée au titre de stratégie en soi, à savoir : réinvestir la stratégie du trouble dans sa résolution. 

L’utilisation de l’hypnose est un  outil de navigation pour sillonner la mer à l’insu du ciel. 

La stratégie hypnotique 

Sillonner la mer à l’insu du ciel : l’hypnose sans transe 

Dans les Méthodes et techniques attribuées à Erickson (Wittezaele, Garcia-Rivera, 1992, p.249), les auteurs préviennent. Nulle question « [...    de magie, de génie fou et de pouvoirs envoûtants de l’hypnose. [...    Son utilité principale réside probablement plus au niveau des qualités qu’elle développe chez le thérapeute que dans son utilisation proprement dite. [...    L’hypnose n’est donc pas la clé du changement ; l’important est de savoir comment on peut amener quelqu’un à se comporter autrement par l’influence interpersonnelle. » 

Utiliser l’hypnose, c’est apprendre à observer l’autre, à embrasser sa vision du monde en recueillant ses images, à décrypter la structure de sa pensée à travers la structure de sa 

langue, à s’appuyer sur sa communication analogique en exploitant les données non verbales et paraverbales. Cela repose sur un principe central d’apprendre à utiliser le langage du patient (Nardone et Watzlawick, 1990).

Milton Erickson utilisait des procédés tels que : imitation du style de perception et de communication du patient, technique de mimétisme, imitation des formes non verbales de communication, qui sont autant de techniques de persuasion destinées à lever les résistances du patient sous réserve d’opérer « de façon aussi naturelle que possible » afin de ne pas sombrer dans une caricature qui accroîtrait d’un coup la résistance. 

Erickson a utilisé de plus en plus, dans la seconde moitié de sa vie professionnelle, les prescriptions de comportement sans recours à l'état de transe pour induire le changement thérapeutique. 

La communication stratégique 

Parmi les fondamentaux de l’hypnose sans transe, nous pouvons souligner:

Qui est l'une des principales techniques de la thérapie brève fondée sur l’utilisation rhétorique et hypnotique de la communication. Nous le comprenons selon la définition de Watzlawick, Weakland et Fisch (1974, p.116) comme la modification du contexte conceptuel et/ou émotionnel d’une situation, ou le point de vue selon lequel elle est vécue, « en la plaçant dans un autre cadre, qui correspond aussi bien ou même mieux aux « faits » de cette situation concrète, dont le sens par conséquent change complètement. » 

Effectué de manière verbale ou non verbale, « Le recadrage peut varier en complexité, et aller d’une simple redéfinition cognitive d’une idée ou d’un schéma comportemental à l’utilisation de métaphores et de suggestions évocatrices, et même à des recadrages paradoxaux compliqués » (Nardone, Watzlawick, 1990, p.95). 

Par le recadrage, il s’agit de modifier la structure perceptive du patient plutôt que la réalité pour assouplir son système perceptivo-réactif en faisant naître le doute que nous nommerons doute thérapeutique. 

Les travaux de Cialdini (1984) montrent par ailleurs que le recadrage peut s’opérer sans s’appuyer sur des éléments logiques ou rationnels. Comme si la structure sémantique pouvait s’affranchir du sens pour l’altérer. Le recadrage est en ce sens un outil privilégié de l’hypnose. 

« Ces stratégies autorisent le thérapeute à communiquer les messages même indirectement, en se servant des identifications et de la projection que les gens font souvent par rapport à des personnages et à des situations dans le domaine de la fiction. Cette technique amoindrit la résistance parce qu’on ne demande pas aux patients de faire quoi que ce soit et on ne critique pas non plus leurs opinions ou leurs comportements. Le message passe « en douce », si l’on peut dire. » (Nardone, Watzlawick, 1990, p.107)

Ici le message, par évocation poétique, s’adresse à l’inconscient du sujet et à ses projections.

En ce sens, il est susceptible d’influencer ses schémas comportementaux, qui, ajoutent les auteurs, « à leur tour, peuvent amener un changement dans son schéma perceptif et cognitif. » (Nardone, Watzlawick, 1990, p.107)

  • Le langage de l’injonction et la suggestion 

 « Je suis convaincu que le langage de l’injonction est appelé à occuper une place centrale dans l’éventail des techniques thérapeutiques modernes. Bien sûr cela a toujours été le cas en hypnothérapie, car qu’est-ce que faire une suggestion hypnotique sinon enjoindre de se comporter comme si… et obtenir que ce comme si hypothétique devienne réalité du fait que l’ordre a été exécuté ? Cela revient à dire que les injonctions ont la vertu de construire des réalités [...    ». (Nardone, Watzlawick, 1990, p.107)

Outre cette capacité de construire des réalités différentes – qui indique au patient que la réalité qu’il amène ou se propose de décrire en consultation est également, le fruit d'une construction –, le langage de l’injonction est aussi essentiel au respect des prescriptions (Watzlawick, 1978): « [...    l’utilisation du langage de l’injonction ou de l’hypnose est essentielle pour leur efficacité en psychothérapie ; sinon, les patients n'exécutent que rarement les prescriptions qu’on leur donne, en particulier celles qui sont indirectes ou paradoxales » (Nardone, Watzlawick, 1990, p.114). 

L’inconscient : cet autre qui ne dort pas 

La formulation de la problématique liée à l’insomnie lors d’une consultation d’hypnose ne déroge pas à la formulation d’autres types de problématiques. « Je voudrais dormir mais je n’y parviens pas. ». Se pose comme une barrière entre l’individu et le sommeil, maintenue par un autre à l’intérieur de moi. Cet autre est plus fort et plus déterminé que moi, de sorte que ma volonté ne peut s’exercer. 

S’opère alors comme une aspiration interprétationnelle ; du comportement vers la capacité ; de la capacité vers l’identité. 

Puisque je ne peux pas dormir, qui est cet autre qui ne dort pas et que peut-il vouloir ? 

Le client d’une consultation d’hypnose postule donc l’existence à l’intérieur de lui d’une volonté contraire et, généralement, la demande consiste à la faire taire. 

Cela forme le substrat de la recherche de l’intention positive et permet de glisser vers : 

  • la découverte d’un bénéfice secondaire 
  • la mise en sens d’un trouble qui se révèle être le mien, ceci permettant l’engagement dans le processus thérapeutique 

Dans tous les cas et contre son évidence, le client devra être disposé à la révélation de quelque chose dont il n’avait pas conscience. 

Admettre l’idée d’une intention positive 

Il se peut que le client croit comprendre souvent à tort les raisons de son trouble (« Je sais d’où il vient mais ne parviens pas à m’en débarrasser ») ou les ignore totalement (« C’est incompréhensible, c’est un non-sens, je n’y comprends rien »)

Dans ce second cas en particulier, le fait d’amener l’idée d’une intention positive est un exercice périlleux qui ne saurait se passer d’une communication stratégique. 

Robert Dilts (2009) définit l’intention positive de la façon suivante : 

« Ce principe stipule qu’à un certain niveau tout comportement détient ou a détenu une intention positive. En d’autres termes, tout comportement sert ou a déjà servi un but positif. » 

Le client dont l’état ou la qualité de vie est fortement dégradé n’est pas enclin à admettre ou rechercher un gain à cette dégradation. Les ressorts de la communication stratégique sont autant de leviers pour accepter la présence de cet autre qu’il est vain de nier. À l’image du chien qui fait la fête à des invités et qui revient plus fort encore lorsqu’il est repoussé ; à l’image de l’enfant qui crie de plus en plus pour être entendu ; il est un temps, celui de la consultation, où il est opportun de s’arrêter, le saluer et l’écouter. L'utilisation de la métaphore est incontournable.

Faire admettre par des arguments rationnels la possibilité d’un gain lorsqu’un trouble se produit défie l’entendement et les lois de la gravité émotionnelle. 

Pour le thérapeute qui se met en quête de l’intention positive, la mise en abîme du « comment cela se passe-t-il ? » ou « que se produit-il alors ? » est d’une aide précieuse.

Mais plus précieuse encore est la recherche du bénéfice secondaire telle que formulée en 1982 par Fisch, Weakland et Segal. 

Rechercher le bénéfice secondaire 

Dans les Tactiques du changements (1982, pp. 201), les auteurs nous invitent à rechercher l’intention positive d’une manière détournée. 

Il ne s’agit pas d’interroger le client sur ce que le trouble lui fait gagner ni sur ce qu’il perdrait à le voir disparaître mais à confirmer l’idée d’un danger réel et non potentiel lié à la disparition du trouble. 

Nous ne retrouvons pas la possibilité timide d’un gain à la manifestation du trouble mais l'affirmation d’un danger à sa disparition.

 Par un jeu de jambes sémantique, la position de perception du client est bousculée : 

« Il s’agit ici de demander au patient s’il a conscience de l’existence de dangers inhérents à la résolution de son problème. (Nous ne lui demandons pas s’il pourrait y avoir danger.) » 

Les auteurs invitent à légitimer la position du thérapeute en évoquant devant le patient un inconvénient qui serait crédible et qui consisterait à « insister sur les dangers réels qu’il y a pour le patient à aller mieux. » 

Cette affirmation peut être facilement soutenue par une brève explication des fonctions primaires et primitives de l’inconscient (cerveau reptilien, fonctionnement du limbique, instinct de survie…) et cela a plusieurs vertus : 

  • la possibilité d’une explication scientifique, rationnelle et donc acceptable à la présence du trouble 
  • l’acceptation de cet autre qui exerce sa force contraire à l’intérieur du sujet
  • la possibilité de percevoir cet autre comme non nuisible
  • l’arrêt conséquent d’une tentative de solution fréquente et communément partagée : la crispation autour de l’idée de la résolution du trouble 

Les auteurs d’ajouter, sur ce dernier point: 

« À partir du moment où il parviendra à comprendre qu’une amélioration ne comportera pas que des aspects agréables, le client aura moins tendance à se torturer pour retrouver un comportement normal et sera donc plus détendu. Cessant d’essayer trop fort de changer, il aura par là même changé de « solution », ce qui, on peut presque à coup sûr le prédire, aura pour effet ou bien de diminuer l’intensité du problème qui était à l’origine de sa plainte, ou bien même de le résoudre complètement. » p 205

L’utilisation de la logique paradoxale s’invite ici. 

Les auteurs inscrivent l’utilisation de la logique paradoxale jusque dans la formulation des suites de la thérapie : conseiller de ne pas changer trop vite, envisager les risques du changement, ce que le patient pourrait perdre à changer (Wittezaele, Garcia, 1992). 

Outre cela, nous pouvons également anticiper une autre conséquence possible : celle de voir émerger une autre problématique en lieu et place de la plainte initiale.

Dans quelle mesure est-il vertueux de remplacer une problématique par une autre pourrions-nous demander ? 

Il semble que le problème émergent soit plus digeste pour différentes raisons : 

  • Tout d’abord, l’arrivée dans le discours du second problème fissure efficacement l’armure du premier. Comme il s’inscrit dans un échange dialogique, il semble procéder d’un raisonnement et s’agite comme une explication au problème initial levant instantanément la crainte de ne pouvoir le résoudre. 
  • Ensuite, comme il prend la forme d’une découverte réalisée par le client, il insuffle 

l’espoir au client de sa propre capacité à résoudre son problème. 

  • Enfin et surtout, comme il est nouveau ou du moins le semble, il n’est pas l’objet 

d’une rigidification impropre à le résoudre. 

Par ces dernières manœuvres issues de stratégies relatives à l’hypnose en tant qu’elles considèrent, influencent ou s’adressent à l’inconscient, nous assistons à une mise en sens du problème et à un déplacement de la perception du client qui induit nécessairement un assouplissement. 

L’utilisation du dialogue stratégique crée également une alliance thérapeutique propre à entamer la résistance du client et à favoriser la compliance. 

Le déploiement des outils de l’intervention systémique et stratégique peut alors s’opérer.

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Le déploiement des outils de l’intervention systémique et stratégique

Le déploiement des outils de l’intervention systémique et stratégique

Pour exemplifier leurs actions stratégiques, les systémiciens prennent régulièrement appui sur les grands stratèges et maîtres zen chinois, et notamment, sur les 36 Stratagèmes, traité chinois écrit entre le XIVème et le XVIIème siècle, déclinant les méthodes permettant de l’emporter sur un adversaire. 

La tradition chinoise du stratagème énoncé sous forme d’aphorismes, souvent paradoxaux, était déjà établie depuis l’Antiquité. 

Ainsi, Giorgio Nardone (1998, p.154) emprunte à Lao Tseu cette maxime : « Si vous voulez obtenir quelque chose qui soit parfaitement droit, commencez par tenter de l’incurver encore plus. ». Autrement dit, pour redresser un bâton il faut le tordre davantage. 

En effet, qui a déjà observé un forgeron comprend que c’est en tordant le métal qu’on l’assouplit pour le redresser. Redresser un bâton sans le tordre, c’est le casser ; ajouter trop de bois dans un feu, c’est l’étouffer. Éviter une bataille, c’est se blesser. Préparer la guerre, c’est s’assurer la paix. 

Sur le terrain de la force, ce n’est pas la force qui l’emporte et le stratège chinois sait se soustraire au bras de fer. Ainsi, il ne se laisse aucune chance de perdre. 

Ces aphorismes et maximes, de par leur nombre, leur similitude formelle et l’intention commune de leurs auteurs nous disent quelque chose : vaincre d’un adversaire passe par une stratégie et cette stratégie obéit généralement à une logique paradoxale. 

Dans le cadre de la psychothérapie, le type d’intervention que nous entreprenons se veut systémique (un trouble, même autoréférent s’exprime comme relation à) et stratégique (le client consulte car les solutions qu’il a apportées ne lui permettent pas de vaincre son adversaire.) Nous devons adopter une stratégie pour lui offrir la possibilité de se soustraire au bras de fer. 

Utilisation de la logique paradoxale : retourner la logique de contrôle contre elle-même 

L’impératif Tu dormiras est à la biologie ce que l’impératif catégorique est à la morale kantienne : dormir est un besoin physiologique élémentaire, condition de possibilité de la survie des êtres vivants. 

Les troubles du sommeil contrarient cette injonction selon la formulation de Marie Darrieussecq (2021, p.11) : « Mais l’insomnie, « la vraie », n’a que faire des conditions objectives et traverse toutes les classes sociales [...   . Cette insomnie arbitraire traverse la vie humaine avec l’indifférence d’un despote. Sa sentence est tombée : Tu ne dormiras pas. » 

Le sujet visé par la sentence vise généralement à la contrer par des schémas comportementaux visant à rétablir une conformité avec le schéma biologique souhaité, et susceptibles de rétablir le sommeil dans sa dimension fonctionnelle la plus élémentaire : permettre à l’individu d’assurer l’état de veille dont il est indissociable. 

L’étude de ces réponses comportementales est indispensable à l’approche systémique et stratégique des troubles du sommeil. 

La structure du trouble 

« Quand je dance, je dance; quand je dors, je dors [...    Nature a maternellement observé cela, que les actions qu'elle nous a enjoinctes pour nostre besoing, nous fussent aussi voluptueuses, et nous y convie non seulement par la raison, mais aussi par l'appétit : c'est injustice de corrompre ses règles. » 

Dans les Essais, III, 13, Montaigne désigne comme « corruption » des règles de la nature que de chercher à contrôler une fonction autonome de l’organisme telle que le sommeil appelée tant par l’appétit que par la raison. 

Nous pouvons apparenter la tentative de vouloir dormir à la corruption évoquée. Vouloir dormir, ce n’est pas dormir et c’est même une intention propre à corrompre le sommeil qui est précisément un état dépourvu d’intention. 

Le trouble du sommeil s’explique systématiquement par les réponses que nous y apportons et généralement la catégorie de réponses apportées obéissent à une logique paradoxale. Dans Changements, paradoxe et psychothérapie (Watzlawick et al., 1974, p.53), le chapitre intitulé « Plus de la même chose » ou : Quand le problème, c’est la solution, fait état des tentatives de solution inopérantes des insomniaques : 

« Ceux qui ont du mal à s’endormir (trouble banal, bien qu’irritant, que nous connaissons tous), prennent d’habitude des mesures essentiellement semblables et aussi stériles, pour résoudre leur difficulté. L’erreur la plus répandue chez les insomniaques consiste à se forcer à dormir par un acte de volonté - pour découvrir en fin de compte qu’ils restent complètement éveillés. De par sa nature, le sommeil est un phénomène qui survient spontanément, mais ne peut plus être spontané quand il est voulu. Pourtant, c’est ce que fait l’insomniaque dont le désespoir s’accroît avec le tic tac du réveil et le traitement qu’il s’inflige en arrive à devenir sa maladie. Pour lui, « plus de la même chose » peut signifier changer de régime alimentaire, se coucher plus tôt ou plus tard, prendre des somnifères qui créeront une accoutumance : chacune de ces mesures, loin de résoudre son problème, l’exaspère. » 

Ce type de réponse donne une idée de la structure paradoxale du trouble ; un diagnostic paradoxal est donc établi. La charpente de cette structure n’est pas moins paradoxale : faire plus de la même chose. Ces tentatives de solution paradoxales répétées reflètent la nature « potentiellement paradoxale » de l’être humain pris dans un compromis permanent entre des schémas émotionnels, perceptifs, cognitifs, socio-culturels et réflexifs parfois diamétralement opposés. (Wittezaele, Nardone, 2016, p.123) 

« Pour juguler une sensation ou une pensée effrayante », ajoutent les auteurs, « le patient veut exercer une action volontaire sur un phénomène avec lequel il ne peut composer que par l’expérience [...    C’est l’esprit contre l’expérience, pourrait-on dire [...    ». 

Nous revenons à Montaigne. 

Corruption de l'expérience par l’intention d’exercer une volonté à son endroit. 

Cette volonté incarne la logique de contrôle qui est fondamentalement une logique paradoxale : contenir donne lieu à des débordements et pour reprendre la formule consacrée : Plus je contrôle moins je contrôle

Ainsi s’explique la construction du « piège du paradoxe » qui engage une réaction paradoxale : celle de vouloir contrôler ou anticiper une situation « fondamentalement incontrôlable par la volonté. »

Cet exercice du contrôle de soi constitue un autoparadoxe.: “Situation dans laquelle une personne reçoit deux messages contradictoires et simultanés qu’elle s’adresse à elle-même.” 

« S’il apparaît logique à qui veut s’endormir d’agir de la sorte, tout comme l’est le fait de vouloir se lever, cette logique est cependant paradoxale car, en exerçant sa volonté de contrôle unilatérale, on se retrouve dans la position du mille-pattes qui se met à essayer de réfléchir à la façon dont il bouge les pattes et dans quel ordre. » 

Bien entendu, le mille-pattes qui souhaiterait contrôler chacune de ses pattes isolément ne pourrait plus avancer. 

C’est donc par l’utilisation de stratagèmes calqués sur la logique dans laquelle ces troubles s’inscrivent (injonction faite à soi-même à travers une logique de contrôle par exemple) que le thérapeute parviendra à ouvrir l’accès à l’arsenal. 

Combattre le feu par le feu 

Dans Dépasser les limites de la peur (Nardone, 2019, p.96), l’auteur nous invite à : 

« Reproduire, dans sa logique d’intervention, la structure de la persistance du trouble. » 

Autrement dit, et dans le cadre de l’insomnie s’inscrivant dans une logique paradoxale, il nous invite à l’utilisation thérapeutique de techniques paradoxales. 

Par un heureux concours de circonstances, Jean-Jacques Wittezaele et Teresa Garcia-Rivera (1992, p.310) décrivent : « [...    l’utilisation du paradoxe comme une des techniques les plus puissantes pour provoquer un changement. » 

Trente ans auparavant, Haley (1963, p. 53) avait formulé l’intervention thérapeutique de la sorte : « [...    prendre le contrôle du comportement symptomatique du patient en l’encourageant, créer ainsi une situation paradoxale, pour alors changer de direction. » 

Dans la partie intitulée Interventions pour enrayer la logique paradoxale ou de contrôle, les auteurs invitent à l'utilisation de contre-paradoxes pour enrayer la logique paradoxale. 

Les injonctions paradoxales, “tâches qui prescrivent au patient le comportement qu’il souhaite arrêter ou qui lui interdisent celui qu’il cherche en vain à produire” sont utilisées comme “moyen opérationnel” pour prescrire le comportement que le patient souhaite éliminer. 

« En obéissant à l’injonction, (le patient) arrête automatiquement le contrôle. » (Wittezaele, Nardone, 2016, p.245). 

Prescrire le symptôme (je vous prescris une insomnie), interdire ce qui est désiré (ne dormez pas) sont donc des stratégies amenées par la formulation d’injonctions paradoxales et soutenues par une formulation spécifique. 

Les logiques de contrôle devant être combattues par des logiques de contrôle, il appartient au thérapeute de se montrer « très directif dans ses prescriptions.» 

Travailler la relation et la posture est également d’une importance capitale. 

Pour autant et de manière moins frontale, le mode impératif peut également être employé dans sa dimension suggestive. Nous nous amusons du syncrétisme sur lequel capitalisent Wittezaele et Garcia-Rivera (1992, p.310) : celui de la formulation des recettes de cuisine. 

« Le principe étant bien sûr que, si l’utilisateur suit ces consignes à la lettre, il obtiendra le résultat escompté.» 

Inscrivant notre intervention dans une perspective de changement, nous nous intéresserons en dernier lieu à ce changement souhaité vers un niveau logique supérieur. Ce changement s’articule autour d’une méthode thérapeutique paradoxale parfois induite « par une intervention comportant un élément illogique du point de vue du patient », (Wittezaele, Garcia, 1992, pp.348-349) et qui consiste à placer le patient en situation de double contrainte. 

La double contrainte 

La formulation d’une double contrainte procède naturellement du type d’injonction que nous venons de voir, « en particulier dans les cas où le patient essaye de contrôler des fonctions autonomes de l’organisme », tel le sommeil (Wittezaele, Garcia, 1992, pp.348-349). 

Dans la première moitié du XXème siècle le logothérapeute Victor Frankl théorise l’utilisation de l’intention paradoxale, une technique thérapeutique visant principalement à « soigner des troubles anxieux phobiques et des troubles obsessionnels-compulsifs. Elle peut être appliquée aussi dans le cadre de certains troubles du sommeil, dysfonctionnements sexuels, symptômes de conversion, etc. » (Bayle, 2020) 

En 1975, dans Paradoxical Intention and Dereflection, Frankl décrit cette méthode originale qui consiste « à apprendre au patient à affronter sa peur en « souhaitant ce qu’il craint » ; il s’agit d’orienter sa pensée vers un but paradoxal, souhaiter sa peur, ce qui paraît illogique, mais ce qui, en réalité, soigne très efficacement la peur ou l’obsession… 

Les travaux de Frankl, qui introduisent l’utilisation du paradoxe thérapeutique, seront réinvestis et développés par les chercheurs du MRI.

Utilisation du paradoxe thérapeutique 

Wittezaele et Garcia (1992, p.221) rapportent un échange avec Paul Watzlawick. Le rôle de la double contrainte, relatent-ils, fut prépondérant tant d’un point de vue descriptif que comme outil thérapeutique : « Parce que non seulement elle montre un pattern de communication, mais elle comporte des implications thérapeutiques : si vous utilisez une prescription du symptôme, vous utilisez une double contrainte thérapeutique, puisque vous demandez à quelqu’un de faire quelque chose en dehors de son contrôle. » 

Dans le cas de l’insomnie, il s’agit pour rappel de retourner la logique de contrôle contre elle-même. Nous postulons que le patient se trouve donc dans une situation de double contrainte pathogène au moment de la consultation. Double contrainte qui pourrait se formuler ainsi : 

Quand je dors, je ne dors pas / Quand je veux dormir je ne dors pas / Il m’est impossible de ne pas dormir ni de ne pas vouloir dormir. 

Les conditions de la double contrainte semblent réunies (Wittezaele, Garcia-Rivera, 1992) : nous sommes en présence d’une injonction négative primaire ; d’une injonction secondaire qui entre en conflit avec la première mais à un niveau plus abstrait et qui, comme la première, est sanctionné par des punitions ou des signaux qui mettent en péril sa survie ; d’une injonction négative tertiaire qui interdit à la victime d’échapper à la situation. 

La prescription du symptôme ou l’interdiction des tentatives de solution destinées à le soulager reproduisent ce pattern mais à des fins thérapeutiques. Il est toujours question d’utiliser la structure du trouble pour le traiter ou, comme dit précédemment, de combattre le feu par le feu. Similia similibus curantur. 

Nous ne saurions mieux restituer ce réemploi stratégique de la double contrainte que Watzlawick et al. (1967, p.245) : « S’il refuse d’obéir à l’injonction, il ne peut y parvenir qu’en ne se comportant pas symptomatiquement, but que poursuit la thérapie. Si dans une double contrainte pathogène, le patient est « condamné s’il le fait et condamné s’il ne le fait pas » dans une double contrainte thérapeutique, le patient « change s’il le fait et change s’il ne le fait pas. » 

Par l’utilisation de la double contrainte thérapeutique, le patient est donc condamné à changer. 

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