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  • Hypnothérapeute de formation médicale, Eva Houdebine associe l'accompagnement en hypnose et les voyages de la vie.

Dans cet article, Eva Houdebine, hypnothérapeute de formation médicale, partage son parcours d'apprentissage, où le silence devient un outil thérapeutique essentiel, permettant une connexion profonde et une transformation chez le patient. À travers une exploration personnelle et professionnelle, Houdebine démontre comment le silence façonne l'espace thérapeutique, ouvrant la voie à une guérison et une découverte de soi inattendues.

Ce que le silence m’a appris

Ce que le silence m’a appris

Au début de ma pratique en hypnose il me semblait nécessaire de structurer la séance avec une première partie autour de l’anamnèse du patient, une deuxième partie autour de l’induction et de la transe et enfin le retour de l’état hypnotique avec éventuellement une prescription de tâches. Dans l’une ou l’autre des parties l’usage de la parole y était quasiment constant, avec sa part de recadrages stratégiques, de questions discriminantes, de métaphores. J’avais également le présupposé que celui qui se tait est celui qui ne sait pas et que ma position me demandait justement de savoir.

Ma pratique a évolué ensuite vers une approche plus centrée sur le corps grâce à la pratique associée de l’ostéopathie, réalisée par mon conjoint, et de l’hypnose. Nous expérimentons des séances en binôme qui passent par le soin des tissus et celui de la pensée. Cette relation triangulaire m’a permis de gagner en liberté par rapport à la possibilité de placer des silences pour qu’autre chose émerge. C’est la présence aux corps, tant celui du patient que les nôtres qui, en s’observant, ouvre la voie vers ce qui est nécessaire dans l’instant. D’abord il s’agit d’être là, ensemble, d’autoriser à l’autre de s’appuyer un instant sur cette présence pour qu’il traverse ce vide qui précède le changement. Et ce vide est rempli de silence. François Roustang décrit cela parfaitement : « Mais si le thérapeute se tait, le patient est projeté dans une angoisse d’abandon. Impossible donc de parler et de ne pas parler (…) Pour sortir de ce dilemme, il n’y a qu’une solution : être présent de corps avec une telle intensité et une telle liberté que le poids de la présence devienne léger (…) A partir de là un commencement de confiance peut se faire jour et la parole circuler sans trop de danger » (Roustang, 1988, p. 131).

Il y a deux dimensions dans l’observation que je fais du silence. D’abord la part du thérapeute qui doit composer avec sa propre part « dissociée » de la thérapie. Dans mon cas, cela concerne la peur de ne pas répondre à l’attente du patient. « Qu’adviendra-t-il s’il y a une absence de changement ? » « Que dire si je ne sais pas quoi dire ou faire? » « Comment la relation va-t-elle évoluer si je ne réponds pas à la demande ? ». En effet, bien souvent, si ce n’est à chaque séance, le thérapeute est confronté à ce moment de flottement dans lequel il est facile de se perdre si l’on cherche à s’y retrouver. Après avoir écouté le discours du patient, qui peut être parfois hypnotique, et laisser les sensations du récit nous traverser, il est possible d’observer ce moment particulier de pause où tout ou rien peut advenir.

Aux prémices de ma pratique, ce moment était fascinant quoique peu tolérable. En effet n’était-ce pas à moi de tenir le cadre ? Et d’indiquer la direction vers laquelle se tourner ?

Ce que l’approche systémique m’a aussi appris

L’approche systémique m’a permis de répondre à ces questions grâce à la mise en évidence de mes propres tentatives de solution. Face à la peur de ce moment d'incertitude, j'évitais d’y faire face en comblant le silence de paroles. Ma pratique a changé à partir du moment où je me suis assise face à cette angoisse aux côtés de mes patients et que je l’ai laissée traverser l’espace. En effet, le premier long silence que j’ai introduit en séance, a pu être amené grâce à la présence d’un tiers thérapeute. De cette manière, j'ai pu me conforter dans l’idée que je pouvais, le temps d’un instant, mettre « en pause » toute volonté ou attente de changement car une autre personne était en train de prendre soin du patient. Ce silence a été libérateur pour la patiente, pour moi comme pour Mikael l’ostéopathe avec qui j'expérimente ce travail. La suite de la séance a été très intéressante et riche de nouvelles expériences pour nous trois.

L’observation 

A distance de ce moment, l’observation de ce silence m’a permis d’une part de réaliser toutes les possibilités que cela ouvre d’accueillir ce moment émergent. Mais aussi de me questionner sur mes attentes. Si Mikael n’était pas là pour agir sur les tissus ou les muscles, sur quoi pouvais-je me reposer pour me sentir confortable dans le silence et le laisser agir ?

Cela fait écho avec ce que dit Antoine Bioy, dans un entretien sur l’incertitude dans le soin dans sa définition du moment d’incertitude : « l’incertitude est le lieu et le moment de l’intuition. L’espace ouvert par l’incertitude, et le moment du doute qui émerge à cette occasion, ouvrent la possibilité pour une personne de se laisser guider autrement que par son raisonnement, pour forger une réponse adaptée. Laisser sa sensorialité parler, nous aider à construire une voie nouvelle et créative à partir du doute que l’incertitude amène » .

Au cœur de l’incertitude

Au cœur de l’incertitude 

Au cœur de l’incertitude il est possible de vouloir se raccrocher à quelques savoirs, à des expériences passées, on pourrait même être tenté de catégoriser la situation à laquelle on est confronté pour y faire face dans notre référentiel. A la fin du passage de cette peur, tout ce que je pouvais faire c’était être là. Cet état caractéristique que l’on peut retrouver dans d’autres contextes (méditation, sport, transe, prière) a quelque chose de spécial puisqu’il est en relation.

Quelque chose de neuf, dépouillé des anciennes pensées, a pu dès lors émerger. Alors comme un engrenage qui se met en route, les pièces peuvent se mettre en place et, entraînées les unes par les autres, permettre au mouvement de reprendre.

Cependant il y a la dimension « dissociée » du patient qui va vouloir mettre en échec ce silence. Au début du suivi c’est cette part qui s’exprime à travers le symptôme présenté et qui est si cher au consultant. On peut alors observer dans les premiers temps de silence une certaine gêne qui peut se traduire par des rires nerveux, un changement de position, un évitement du regard, etc.

Il est tout à fait intéressant de noter l’évolution de la manière dont les silences sont traversés au cours d’une prise en charge.

Laisser de la place à cette gêne, peut-être même la nommer ou l’utiliser s’avère encore plus pertinent. Comme le précise Dan Short au sujet de l’ambivalence, la mettre en évidence permet de l’annuler. De plus, il y a une forme de reconnaissance par le thérapeute du patient dans toutes ses dimensions et un accueil serein de celles-ci.

L’utilisation des silences au cours de la transe me semble un élément utile vers le déclenchement du changement. Lorsqu’au cours des premiers temps de mise en place de la relation le silence est difficilement supportable, il n’en n’est pas de même en état modifié de conscience. La transe modifie la perception du temps, il devient donc possible de faire durer ces silences tant que le corps expérimente de manière confortable. Ainsi le patient peut traverser cette expérience dans toutes ses dimensions à travers le corps et non plus la part dissociée.

En observant ensemble la traversée de ce moment plein, on va pouvoir ancrer cette nouvelle capacité à être en lien avec l’instant en relation.

Là, je suis là !

Plus la réassociation du consultant progresse dans l’identification du thérapeute comme tiers sécure autorisant, plus les silences sont tolérés et libérateurs. On note désormais un accordage lors de ces moments au niveau de la respiration, des mouvements du corps (bâillements, jambes qui se décroisent, repositionnements). Il y a une modification au niveau du regard où un échange peut être soutenu sans inconfort comme le décrit Kaly Viollet : « Ce premier temps, plus ou moins long, est pour moi un moment d’échange et de partage intime, riche et dense, plein de dialogue silencieux par le regard et le corps, d’expressions, de ressentis, de pensées et de questions muettes. Il y a juste à ressentir ce qui est là et s'y ajuster, y chercher sa place, nous accorder. »

Peu à peu la possibilité, l’idée d’un « Là, nous sommes là » selon Jean Yves Leloup, dans l’idée que nous sommes tous reliés et interconnectés à travers nos actions indépendamment de leur nature, se fait jour. Et ce « Là, je suis là » prend place et s’installe, cette fois dans l’intention que quelque chose de plus grand est présent en chacun de nous et que cela dépasse le contexte problématique. Il est possible de s’y relier en étant dans le corps et dans l’instant. Ainsi une reconnexion à la réalité s’opère excluant l’expression du symptôme.

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