Les TOC se caractérisent par des doutes persistants qui entraînent des obsessions anxiogènes et des compulsions répétitives. Comment comprendre cette position entre doute et obsessions ?
Le pouvoir caché du doute et son lien avec la peur, l'obsession et la compulsion
Points clés
Le doute remet en question la pensée rationnelle, créant un trouble cognitif et émotionnel.
D'un point de vue philosophique, le doute est essentiel à la connaissance, mais il peut conduire à la paralysie décisionnelle et à l'insécurité.
"Le patient ne se bat plus contre ses doutes, mais pour eux." -Jaspers, 1963.
"Le doute n'est pas un état agréable, mais la certitude est absurde." -Voltaire
Le trouble obsessionnel-compulsif (TOC) est une maladie complexe caractérisée par un cycle d'obsessions et de compulsions. Un aspect central de ce trouble est le doute, qui déclenche une série de rituels de protection, affectant profondément la vie quotidienne d'un individu. Les TOC peuvent favoriser les doutes qui se manifestent fréquemment sous forme d'obsessions, qui sont des pensées persistantes et indésirables causant une détresse importante (Abramowitz, Taylor, & McKay, 2009 ; Nardone et Portelli, 2013 ; Vitry et al., 2021 ; Gibson et al, 2016) Ces doutes peuvent varier considérablement, englobant des craintes concernant la santé personnelle, la moralité ou le fait de causer du tort à autrui. Pour atténuer l'anxiété liée à ces doutes, des compulsions apparaissent. Il s'agit de comportements répétitifs ou d'actes mentaux qu'un individu se sent obligé d'accomplir (Salkovskis, 1999 ; Nardone et Portelli, 2013). Mais qu'est-ce que le doute a de si intrigant pour l'esprit humain ?
La psychologie du doute et l'esprit rationnel
Le doute a de profondes implications à la fois dans la psychologie de la pensée rationnelle et dans la philosophie. La présence du doute dans "l'esprit rationnel occidental" se manifeste comme une source importante de troubles cognitifs et émotionnels (Descartes, R., 1996). La pensée rationnelle, qui se nourrit généralement de clarté, de fiabilité et de cohérence logique, est fortement perturbée lorsqu'elle est confrontée au doute, comme c'est le cas dans les TOC (Gibson, et al., 2016). Cette perturbation provient de l'incertitude, qui entrave nos facultés logiques et complique les processus de prise de décision. L'esprit rationnel se retrouve ainsi dans un bourbier, se débattant sans base solide et nous remettant en question nos croyances et nos prises de décision Gettier, E. L. (1963).
Doute et connaissance
Le doute a contribué à façonner les discussions sur la nature de la connaissance et de la compréhension, tant en psychologie qu'en philosophie (Descartes, R., 1996). Nous sommes souvent amenés à remettre en question nos actions et nos capacités, comme nos aptitudes à conduire ou notre capacité à faire face à des maladies graves. Un type particulier de doute de soi consiste à douter de notre capacité à comprendre correctement ou à avoir des croyances exactes.
Ce type de doute est courant et compréhensible, étant donné notre propension à l'erreur. Cependant, il conduit à un paradoxe lorsque nous utilisons notre raisonnement pour remettre en question notre capacité de raisonnement. La résolution de ce conflit entre notre croyance initiale et notre doute pose un dilemme philosophique et pratique important.
Socrate, par exemple, était conscient de son manque de connaissances sur des concepts majeurs tels que la vertu ou la justice, et cette prise de conscience l'a conduit à éviter de s'engager dans des croyances spécifiques et à rechercher plutôt l'opinion des autres. Notre volonté d'admettre notre ignorance ouvre la voie à de nouveaux apprentissages. D'autre part, Descartes a adopté une approche plus radicale, remettant tout en question, même ses expériences sensorielles, pour reconstruire sa base de croyances à partir de zéro, en examinant les racines mêmes de son savoir.
Les exemples les plus simples sont ceux où nous réévaluons nos croyances sur la base de nouvelles connaissances sur nos capacités de jugement, par exemple lorsque nous acquérons une nouvelle compétence ou une nouvelle vision professionnelle. Dans d'autres cas, la bonne ligne de conduite est moins évidente. Par exemple, un témoin oculaire d'un crime, lorsqu'il apprend que les témoignages oculaires ne sont pas fiables, est confronté à un dilemme concernant la confiance qu'il peut accorder à sa mémoire.
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Remise en question de la réalité
Le doute remet en question le désir d'obtenir des réponses définitives, entraînant des retards dans la prise de décision ou une "paralysie par l'analyse" (Schwartz, 2004), car il empêche de prendre des décisions fermes. En outre, l'impact émotionnel du doute, comme l'anxiété ou l'insécurité, affecte la rationalité, brouille la clarté du jugement et augmente la frustration. Le doute incite les individus à réévaluer leurs croyances de manière critique, un processus intellectuellement engageant mais souvent mentalement éprouvant, surtout lorsqu'il s'agit de convictions fondamentales ou de longue date, ce qui conduit à une dissonance cognitive, où l'on se débat avec des croyances contradictoires, comme l'a décrit Festinger (1957).
Le scepticisme méthodique de René Descartes (1996), par exemple, illustre la manière dont le doute peut être utilisé comme un outil pour démanteler des croyances infondées, conduisant finalement à des vérités fondamentales, comme l'illustre l'argument du cogito (Descartes, 1641). De même, les dialogues socratiques soulignent le rôle du doute dans la poursuite de la connaissance, en insistant sur l'importance de reconnaître son ignorance comme précurseur de la compréhension (Platon, 380 av. J.-C.), tout comme le scepticisme empirique de Davis Hume a mis en doute la fiabilité de l'expérience sensorielle et de la déduction rationnelle, remettant en question les fondements mêmes de notre compréhension du monde (Hume, 1748). Même le perspectivisme de Nietzsche a suggéré l'inévitabilité du doute étant donné la nature subjective de toute compréhension (Nietzsche, 1887). D'autres ont même présenté le doute comme un élément central de la quête existentielle de sens et d'authenticité (Camus, 1942 ; Kierkegaard, 1843).
Les dangers d'un doute excessif
Si le doute joue un rôle crucial dans la pensée rationnelle et la quête de la connaissance, un doute excessif peut entraîner des difficultés importantes et des effets néfastes, notamment dans le cadre de troubles psychologiques tels que les TOC. Ce sentiment de doute persistant et souvent écrasant peut devenir paralysant et perturber la capacité d'une personne à prendre des décisions et à s'engager avec confiance dans le monde. Dans les cas de TOC, le doute n'est pas simplement un exercice philosophique ou intellectuel ; il se manifeste comme une force implacable et angoissante. Il alimente le cycle des obsessions et des compulsions, dans lequel l'individu est pris dans une quête sans fin de certitude et de contrôle de ses pensées intrusives (Abramowitz, Taylor, & McKay, 2009 ; Gibson, et al., 2016, Nardone et Portelli, 2013). Cette quête incessante peut conduire à une anxiété sévère, ayant un impact sur la santé mentale et diminuant la qualité de vie.
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Références
- Abramowitz, J. S., Taylor, S. et McKay, D. (2009). Obsessive-compulsive disorder. The Lancet, 374(9688), 491-499.
- Clark, D. A. (2004). Cognitive-behavioural therapy for OCD (thérapie cognitivo-comportementale pour les TOC). Guilford Press.
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- Gibson, P. (2021). Échapper au piège de l'anxiété. Strategic Science Books.
- Gibson, P. (2022). Persuasion Principle. Strategic Science Books.
- Gibson, P. (2023). La clinique des TOC. Strategic Science Books.
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- Kuhn, T. S. (1996). La structure des révolutions scientifiques. University of Chicago Press. (Ouvrage original publié en 1962)
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- Nardone, G., et Portelli, C. (2013). Ossessioni compulsioni manie. Capirle e sconfiggerle in tempi brevi. Ponte Alle Grazie.
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