Extrait d'un atelier LACT + vidéo Youtube avec questions des participants
LACT : Nous avons choisi le cas d’une société dans laquelle nous sommes intervenus et qui va faire écho à certains des cas que vous nous avez évoqués. Il s’agit d’une société de conseil, sur un marché assez concurrentiel, où l’activité commerciale est très importante, avec des commerciaux évidemment en contact direct avec les clients et soucieux que certaines procédures – dont dépendent leurs rémunérations - soient faites dans les temps. Cette entreprise française dépend d’une maison-mère internationale à laquelle elle doit faire un reporting mensuel important. Il y a donc une grosse pression sur ce reporting qui contraint et stresse la direction administrative et financière, à laquelle s’ajoutent les contraintes qui remontent du terrain. C’est une société qui a besoin de se restructurer.
Nous avons donc un chef de la comptabilité qui a un problème avec son collaborateur qui manage des équipes administratives qui mettent en œuvre ces fameuses procédures. De son point de vue, ce collaborateur est compétent et fiable, il vit parallèlement une situation personnelle très difficile, une situation de divorce très conflictuelle (avec de très lourdes accusations contre lui). Ce chef de la comptabilité a avec ce collaborateur une relation quotidienne difficile, rendue difficile parce que ce collaborateur n’a plus autorité sur ses équipes administratives et se plaint tous les jours à son chef de la malveillance de ces équipes qu’il n’a pas choisies (il a été embauché récemment). Alors, pour évaluer la situation et identifier les tentatives de solutions, nous nous sommes intéressés à repérer ce qu’on tente de faire par rapport à cette situation qui ne va pas bien. Le manager qui se plaint, dit de ses collaboratrices qu’elles sont « incompétentes, malveillantes, d’ailleurs, c’était déjà la cas avant moi, le prédécesseur est parti à cause de ça » et dit « j’en ai marre, je ne peux pas tout faire, je suis avec des bras cassés, non seulement elles sont malveillantes mais je me récupère tous les problèmes ». Donc il finit par demander de l’aide en disant surtout : « il faut m’aider à les coincer, ça ne va pas du tout ». Ainsi, face à ça, que fait son responsable hiérarchique ? Comme il trouve que son collaborateur est dans une perception trop noire de l’hostilité, il a tendance à dédramatiser, à minimiser en disant : « ce n’est pas si grave, ne t’inquiètes pas ». Il cherche à le rassurer en l’encourageant, en lui disant « on va te trouver une solution (le DGA va intervenir) ». Le chef de la comptabilité finit par faire autorité à la place de ce manager en gérant directement les équipes en question. Qu’est ce que vous pensez à ce stade là de la situation et des interactions entre le responsable hiérarchique et ce manager ? Si vous étiez le responsable hiérarchique, qu’est ce que vous feriez à ce stade là ?
Participant : Je poserai la question au manager pour savoir ce qu’il propose de faire pour régler son problème…
LACT : Là il propose « qu’il faut vraiment les coincer et mettre en place des procédures pour prouver par A + B qu’elles ne font pas ce qu’elles devraient faire, qu’elles refusent d’appliquer les process que j’ai mis en place, même quand j’essaye de les former, qu’elles se montrent tout à fait dilettantes ». C’est pour cela qu’il finit par dire qu’il faut les coincer et s’en séparer, qu’il faut trouver absolument une solution mais le supérieur hiérarchique trouve que tout ça est très exagéré.
Participant : C’est facile pour moi de faire des commentaires, parce que de toute façon je ne sais pas ce que je ferais dans cette situation, mais en l’occurrence, ne serait-ce pas mieux d’ arriver à lui faire prendre conscience que finalement il a peut être lui aussi une difficulté dans le management, que le management ça ne s’apprend pas forcément dans les livres et de lui proposer un coaching ?
LACT : Oui, mais lui va répondre « ah non moi, c’est la première fois que je suis dans une telle situation. Il y a vraiment cet historique. Elles partent déjeuner à midi, elles reviennent à 14H30, elles me toisent, elles me narguent, mais qu’est ce que je peux faire. Il n’y a donc qu’une seule chose vraiment, c’est de sanctionner sévèrement ces personnes ».
Participant : Il y aurait peut être un moyen de les faire se réunir ?
Participant2 : Ça risque d’être compliqué….
LACT : Alors, il a cherché à les réunir, à faire preuve d’autorité et dans ces cas elles ne disent rien et puis ça recommence.
Participant : Mais l’idéal serait de les réunir ensemble le manager et les équipes concernées, pour un entretien. Une intervention assez intelligente le responsable au dessus (N+2)qui dirait : « écoutez on teste un repas, quelque chose, on va essayer de vous réunir tous ensemble et essayer d’exposer ce qui vous perturbe et en parler tous ensemble ».
LACT : Donc on va tenter d’en parler, c’est ça ?…
Participant : Je sais pas moi, mais j’ai l’impression qu’à ce moment là, on est en blocage total.
LACT : Mais du coup vous pensez que ça pourrait les rendre raisonnables ?
Participant : Pas forcément raisonnables, mais peut être qu’ils n’arrivent plus à se parler ces gens là.. Et donc le contact serait peut être plus simple avec des gens au dessus où les équipes n’oseront pas forcément s’exprimer comme ils le font avec leur manager direct, il y a peut être un moyen d’être plus constructif…
LACT : En fait, pour donner un peu plus d’informations, effectivement il s’est renseigné mais elles aussi elles disent que leur manager de toute façon essaye de les coincer tout le temps, les traite de manière injuste, il y a vraiment une situation de blocage à ce niveau là.
Participant : Et le risque, la difficulté, c’est que le N+2 dans ce type de contexte va chercher à choisir qui a tort et qui a raison, il va être mis en situation de choisir entre les bons et les mauvais…
LACT : Exactement, c’est ce qu’on cherche à faire naturellement, mais dans cette situation précise, c’est délicat parce que tout le monde s’accuse. Effectivement le chef perçoit quand même que ce manager manage de façon trop autoritaire, trop rigide et que d’un rien, ou d’un point de détail, il en fait une affaire d’Etat. Et donc le chef de ce manager finit par douter : peut être, n’est-il pas à la hauteur de son poste, peut être faudrait-il licencier les collaboratrices… Il faut trouver des solutions. Là, ce qui est important, c’est de revenir sur une notion centrale pour nous : la tentative de solution. Vous voyez ici, d’un côté, quelqu’un qui se plaint, qui désigne les coupables, qui se plaint de la situation « je ne peux pas tout faire », qui, par ailleurs, demande de l’aide, mais une aide particulière, sanctionnante, très conditionnée, et d’un autre côté, face à cette personne, on a tendance à dédramatiser, à rassurer et à faire à sa place… En fait, ils sont pris dans cette boucle là : « quand il se plaint, il se plaint trop, donc j’essaie de lui dire calme toi et au lieu de le calmer, ça a l’effet contraire, ça ravive ».
Nous utilisons cette notion très importante de tentatives de solutions qui sont les solutions mises en œuvre soit par la personne ayant un problème – ici ce sont les sanctions et ça ne fonctionne pas - et/ou les personnes qui sont impliquées par le système pour résoudre le problème - ici le supérieur hiérarchique impliqué qui cherche des solutions car les conséquences de la situation sont très tangibles : manque de performances des équipes administratives, réactions des commerciaux qui râlent de plus en plus, car les clients s’impatientent et leurs commissions ne sont pas pris en compte... Donc nous appelons tentative de solution, ce que l’on pense être une solution qui se révèle ne pas en être une, qui ne marche pas, qui est dysfonctionnelle dans la situation et qui en fait va maintenir, exacerber, aggraver le problème. Cette notion est très importante pour nous car c’est un véritable réducteur de complexité. Nous, nous sommes des obsédés de la tentative de solution pour vous aider à reprendre le contrôle. J’aurai l’occasion, lors de l’entretien individuel téléphonique dont vous bénéficiez dans le cadre de cet atelier, de vous donner des prescriptions très précises qui seront adaptées à la situation que vous avez exposée et qui vous permettront d’arrêter de contribuer malgré v
ous à envenimer la situation, car souvent avec « les meilleures attentions on peut produire les pires effets » disait Oscar Wilde. Et cela permet tout de suite de reprendre le contrôle sur un problème qui semble nous échapper.
Si on revient au cas, les personnes impliquées dans la situation sont : le chef de la comptabilité, le responsable administratifs et le DRH qui finit par intervenir car il entend parler des difficultés dans ce service par les collaborateurs de l’entreprise qui en discutent entre eux. Ainsi, le DRH va à la rencontre du chef de la comptabilité pour lui demander ce qui se passe, avec une logique d’agir vite, car le DRH voit et entend aussi des commerciaux se plaindre, la pression de la direction générale, etc. Cela remonte de tous les côtés. Le DRH envisage des solutions radicales - procéder à des mutations, des licenciements des équipes - puis finit par se demander si ce manager est bien à la hauteur, envisage sa mutation, mauvais coup de sort puisqu’il y a déjà eu un précédent … On se rend compte, qu’à ce niveau là, le chef de la comptabilité cherche dans un premier temps à protéger son responsable administratif. Il va évoquer au DRH, dans un premier temps, qu’il est en difficulté au nom de cet historique et qu’il doit faire avec une équipe qui n’était déjà pas du tout performante à son arrivée. Puis, comme il y a aussi des difficultés au niveau de la facturation aussi, on imagine même un coupable et des causes qui servent encore à protéger le responsable, prendre du temps pour trouver une solution qui le ménage. Face à cette situation, le DRH évalue qu’il y a quand même un risque, que ça commence à être trouble et préoccupant, que c’est de sa responsabilité de mettre en place un dispositif visant à ce que les choses n’explosent pas. Le DRH se retrouve impliqué pour agir, et se dit : « encore un problème avec DGA (dont la comptabilité dépend)». Ainsi, de son point de vue, la situation apparait encore plus compliquée, elle monte d’un cran, en estimant que le DGA y est pour quelque chose – « il y a qu’à voir ses services, il y a des tensions relationnelles partout au niveau des managers et là c’est en train de descendre et de contaminer les rangs inférieurs ». Il se dit : « il y a un risque RPS, il faut absolument agir ! ». Mais pour agir, il n’y a pas vraiment de faits tangibles et comme le DGA arrive à livrer en temps et en heure le reporting mensuel à de la maison-mère, celle-ci le trouve assez compétent. La direction générale ne va donc pas être très encline à apporter son soutien à une remise en question du DGA, même avec des faits. Le DRH se trouve assez coincée dans cette situation, mais commence à se dire que cela pourrait exploser.
Participant : Mais à ce moment là du scénario, j’ai l’impression que tout le monde est d’accord pour dire que les filles n’y sont absolument pour rien.
LACT : C’est ambivalent. C’est ça, la personnalité difficile. On considère ce manager comme compétent, on a quand même envie de le garder, on considère que les collaboratrices des services administratifs exagèrent quand même et on est aussi d’accord sur l’historique de leurs comportements. Quand on partage les causes et l’historique, on a du mal à trouver une position plus claire. On ne sait pas trop…
LACT2 : L’ambivalence fait partie du problème RPS en général, vous le dites très bien : le patron demande quelque chose, vous le faites autrement, il y a toujours de l’ambivalence à la source, toujours des tensions. Les collaboratrices pensent que tout est injuste et en même temps elles ne travaillent pas comme il faut. Il y a toujours cette ambivalence qui à moment donné se tend et casse.
LACT : Donc le DRH a quand même besoin d’agir, il est fortement inquiet car si ça explose c’est quand même sur lui que la responsabilité va retomber. Il met donc en place une formation, c’est ainsi qu’il nous contacte et il souhaite une formation qui va être axée sur les services administratifs là où il perçoit les problèmes. Au cours de cette formation, nous allons effectivement constater que ce responsable administratif est dans une situation vraiment très inquiétante, en burn-out. Il a une très forte rigidité dans son mode managérial, ainsi qu’une rigidité à se remettre en question, donc peu enclin à un parcours de formation. De plus, il a un côté parano et perçoit son environnement comme hostile. Il est au bord d’une forte dépression. Sa problématique pouvait se résumer ainsi : « ma vie personnelle c’est le choléra et ma vie professionnelle est devenue la peste. » Donc entre la peste et le choléra, quelle issue à donner ? Et là, il faut se méfier car là il se retrouve au delà de l’épuisement, il peut aller vers des risques de suicide, car tout à coup, cette personne est complètement coincée. Nous observons en début de coaching avec lui que ses attentes étaient très fortes pour s’investir, reprendre pied sous l’angle de sa vie professionnelle, puisque sa vie personnelle était tellement compliquée (impliquant notamment la justice). Et les déceptions et les échecs qu’ils rencontraient, prenaient des proportions sur un plan émotionnel encore plus importantes, ce qui accentuait encore plus la difficulté de la situation. Au cours de la formation, cette personne s’est quasiment écroulée face aux difficultés qui se sont révélées tout d’un coup, nous étions donc en position de faire une alerte et nous avons dit à la DRH que s’ils voulaient aider cette personne, nous pouvions tout à fait lui proposer un coaching. C’est en fait quelqu’un de combatif, qui considère que ces équipes sont contre lui, il les combat mais ça manière de les combattre ne fonctionne pas, et en fait il peut être très intéressé si nous lui proposons d’acquérir la bonne arme et de tenter le coup. C’est comme ça, sous cet angle, que nous avons réussi à lui faire envisager le coaching et finalement cette personne a fini par accepter une intervention particulière le concernant.
LACT2 : Nous pouvons peut être également préciser qu’il a accepté le coaching parce qu’il y avait participé lui-même à cette intervention collective de prévention et qu’il a développé une certaine confiance avec l’intervenant. Tout à l’heure quand vous évoquiez de lui conseiller un coaching pour améliorer son mode de management, il n’aurait probablement pas accepter sous cette forme. Dans le cas présent, il a pu travaillé sur deux jours complets avec notre méthodologie, comme nous le faisons ici avec vous dans le cadre de cet atelier. Au cours de cette intervention, il s’est passé quelque chose qu’il l’a fait accepter, alors que c’était difficilement envisageable au départ.
Participant : Alors vous vous êtes retrouvé en B-to-B avec lui…
LACT : Oui mais ça n’a pas été simple, car même si il était au bord du gouffre quand nous l’avons rencontré dans ce contexte particulier, il était loin de vouloir déposer les armes, ni même de l’envisager… il était comme ce chevalier d’un vieux film des Monty Ponthy « Sacré Graal », si vous vous en souvenez, qui, au cours d’un combat en duel, après avoir perdu un premier bras, puis le second, continue à vouloir en découdre avec son ennemi et qui, sans ses bras, continue à le défier en lui disant, « vas-y, bats-toi, si tu crois que tu me fais peur, je vais t’anéantir…», sauf que là, cette personne était dans un situation vraiment délicate. Il a donc fallu faire une intervention très particulière à ce moment là – nous avons un diagnostic opératoire très spécifique pour ce genre de cas – pour qu’il puisse déposer les armes. Nous avons fait aussi une action stratégique en matière de communication car il était vraiment situation très dangereuse, il n’en pouvait plus, il pensait
au suicide très clairement. Il a fallu le faire réfléchir là dessus, en lui disant qu’en faisant ça (le suicide), d’une certaine façon il allait être perçu comme encore plus faible, « est-ce vraiment ça que vous voudriez qu’il reste de vous ? » Vous voyez jusqu’où on en arrive… Tout d’un coup, on l’a mobilisé…