Au moment du tour de table, en début d’atelier, une participante, responsable de développement RH dans un cabinet de conseil RH, nous expose le contexte traumatisant de son entreprise : coup sur coup, les salariés ont vu se succéder : un PSE, un déménagement, un changement d’actionnaire, un changement de PDG et une grosse réorganisation qui a eu pour effet de désorienter tout le monde et plus particulièrement les managers de proximité.
Dans l’extrait suivant, elle évoque un exemple d’action mise en place pour soulager le malaise dans l’entreprise et cherche un cas particulier qui pourra être approfondi avec les intervenants de l’atelier.
Participant : J’ai mis en place des formations de co-développement pour ces managers de proximité, et je dois avouer que l’animatrice me dit de faire attention car elles trouvent ces gens en état limite, elle trouve qu’ils sont mal. Ce co-développement a permis de l’échange, des paroles collectives, une grande confidentialité, une grande tenue, une grande force visiblement, puisque le groupe est excessivement soudé. Enfin ils ont pu verbaliser, échanger sur leur souffrance que, bien entendu, ils ne verbalisaient jamais puisqu’en tant que manager, ils doivent être de super manager, « super woman » et « super man »…
LACT : Sous quelle forme est ce co-développement ?
Participant : C’est un groupe de 7 qui se réunit une fois par mois. A chaque demi-journée, il y a un membre de ce groupe de 7 qui expose ses difficultés. Et tout le groupe derrière est là pour l’aider à trouver des solutions. Cet échange-là, c’est le principe du co-développement, permet aussi à ceux qui ne souhaitent pas exposer leur cas, de récupérer tout un tas d’informations, de bons conseils, et eux aussi partent avec de nouvelles choses.
Cela a donc plutôt bien fonctionné. J’aimerai bien les développer. C’est un groupe pilote. Je voudrais faire ça pour d’autres managers et pour des commerciaux aussi.
Vous me demandez de prendre un cas particulier, mais nous avons vraiment tous les cas qui figurent dans le pavé « Résoudre » de votre slide : des cas de harcèlement, de burn-out, de stress, de blocage de performance… on a de tout là…
LACT : Alors celui qui vous paraitrait le plus compliqué, le plus alarmant !
Participant : Alors pour moi ce serait celui du stress justement. J’ai une manager par exemple qui a une relation au travail très investie, qui est dans du « sur-travail ». C’est une femme, elle met donc souvent la barre un peu trop haut, elle est toujours dans un niveau d’excellence qu’elle ne peut pas atteindre. Avec cet environnement dégradé dont j’ai parlé tout à l’heure - des définitions de postes un peu trop chargées et peu réalistes, des objectifs que je trouve personnellement tout aussi irréalistes, en plus il y a une part variable et donc leur rémunération va dépendre aussi des objectifs atteints – il y a donc encore plus de stress.
LACT : Elle se met la barre trop haut, parce que ce sont ses objectifs qui sont trop hauts ou elle va au delà des objectifs ?
Participant : Les deux en fait. Elle veut atteindre ces objectifs que moi je trouve irréalistes, mais du coup il y a un sur-investissement, un souci de « sur-qualité ». Vu tout ce qu’on lui demande, il faudrait qu’elle accepte de travailler en mode dégradé et de ne pas chercher l’excellence à chaque fois. Mais ce n’est pas acceptable pour elle. Elle se met donc en danger parce qu’elle travaille trop, elle met trop d’affectif, elle manque de recul et elle nous a fait un arrêt de 4 semaines là. Franchement, après ça, il n’y a plus qu’à faire un accompagnement effectivement pour pouvoir travailler sa relation de travail, ses croyances sur le travail, sur les croyances de ce qu’elle doit être à la fois une professionnelle parfaite, une mère parfaite, une épouse parfaite, etc.
LACT : C’est comme Bree de la série Desparate Housewives.
Participant : Oui c’est ça. Du coup, je me dis mais comment peut-on aider cette personne là par exemple, pour qu’elle change de modèle ?
LACT : Par rapport à cette personne, du coup vous êtes informée comment de sa situation ?
Participant : Justement elle fait partie de ce groupe de co-développement et elle a bien voulu me parler. Je voulais savoir comment ça s’était passé, au moins le premier groupe non pas pour rentrer dans le détail de ce qui se dit car c’est très confidentiel… Ainsi, on est restée deux heures ensembles et elle s’est confiée. C’est plutôt là une approche personnelle.
LACT : Donc vous l’avez reçue, et elle vous a livré les difficultés à cette occasion là qu’elle avait ?
Participant : Non, pas tout à fait, enfin un peu. C’est à dire que le fait d’avoir fait sa première séance de développement lui a permis de débloquer la parole et de se rendre compte qu’elle n’était pas la seule à être en situation de stress et donc elle a pu le partager avec ses homologues, ce qui est très bien. En effet, elle ne peut pas le partager avec ses collaborateurs parce qu’elle est une manager, ni avec son directeur au dessus non plus puisqu’elle est supposée assurer. Elle a été donc en transverse et ce terme de co-développement a lâché sa parole et du coup elle m’a dit plein de chose et même des choses très personnelles de son vécu.
LACT : et donc à cette occasion là, vous vous êtes rendue compte qu’elle était dans cette recherche d’excellence, de perdition, est ce que à ce moment vous vous êtes rendue compte qu’elle avait l’air pas bien ?
Participant : Oui ça se voit sur son physique en fait, elle avait toujours une expression de tendue.
LACT : donc cela se voit, c’est tangible. Est ce que vous en avez fait part d’une façon ou d’une autre de la difficulté dans laquelle elle semblait être ?
Participant : Oui bien sûr, on en a discuté, elle m’en a parlé ouvertement, sauf qu’après je me dis : je suis impuissante. Je suis à la RH, je ne suis pas thérapeute, voilà ma limite elle est là. Après ce sont les relais, dans tout accompagnement, il arrive un moment où quand on a trouvé ses limites, il faut trouver les relais, les bonnes personnes avec des bons savoirs pour pouvoir aider et accompagner.
LACT : Le fait de lui proposer un relai, cela fait partie de vos ressources à vous ?
Participant : C’est à dire ?
LACT : Le relai, ça serait peut être de lui proposer un coaching, une intervention qui lui permettrait d’arriver à poser des limites, parce que finalement elle a des difficultés dans ce que vous dites, à poser des limites. Cela veut donc dire mettre en place des moyens et un coaching. Est ce que ça, ça fait partie des ressources que vous pouvez lui proposer ?
Participant : Alors, elle l’a demandé en fait mais un coaching c’est cher… J’ai fait ça pour un autre manager qui était également en burn-out avec de gros problèmes physiques, elle a fait un coaching et effectivement, j’ai fait l’entretien tripartite de fin d’accompagnement la semaine dernière. Là, c’était super car il y a eu un déclic de la part de la salariée, de la manager donc à ça a bien marché. Bon, il y a cette possibilité là, mais est ce que je vais avoir le budget pour ? C’est moins sûr….
LACT : Il y a donc une interrogation au niveau du budget. Est ce qu’il y a d’autres choses du coup que vous avez essayé ou que vous pensez mettre en place pour aider cette personne sans pour autant être un psy ?
Participant : En fait, il y avait chez elle une deuxième demande aussi qui était liée à son âge parce qu’elle a 42-43 ans… des interrogations de gens qui ont besoin de réfléchir sur leur orientation. On est dans une réflexion de deuxième partie de carrière, « j’ai travaillé 20 ans, il m’en reste encore 20 en gros, mais qu’est ce que je vais faire ? » Là, il y avait une demande sous forme de bilan de compétence. Du genre : je pose mes valises, j’ai besoin peut être d’avoir une autre lecture de ce que j’ai fait, d’identifier mes points forts sur lesquels je puisse m’adosser pour pouvoir avoir un peu plus de confiance en elle, parce qu’elle n’en a pas. C’est la troisième demande de ce type pour des entretiens mi carrière mais mi bilan, mi coaching que j’ai à traiter.
LACT : Grâce auquel vous avez plus de disponibilité dans un sens.
Participant : Alors là oui car le bilan de compétence c’est classique, sauf que là ce n’est pas un bilan de compétence avec un junior consultant junior mais plutôt avec un consultant formé coach qu’il faut faire pour voir et analyser. J’ai une difficulté supplémentaire, c’est vrai, ces manageurs-là sont eux-mêmes des consultants en ressources humaines, et donc les bilans ils connaissent, parfois c’est une difficulté, mais pas toujours. En fait ce sont des êtres humains, il faut arrêter de se positionner toujours en sachant.
LACT : Pensez vous que cette demande de bilan pourrait résoudre la problématique que vous percevez bien, c’est à dire celle d’une personne typiquement dans une recherche d’excellence qu’il faudrait amener à poser des limites moins importantes pour qu’elle puisse être mieux dans les difficultés qui sont propres à sa fonction de manager. Vous pensez que cette solution là va pouvoir résoudre cette problématique là ?
Participant : De quoi le fait que …
LACT : Le fait qu’elle démarre par un bilan par rapport à sa situation…
Participant : Non parce qu’après on en vient à penser à un principe de réalité qui est le financement, je pense qu’un coaching lui irait mieux mais je n’ai pas le budget…
LACT2 : Et c’est quoi le tarif pour un coaching ?
Participant : Moi les coaches que j’ai référencé et qui interviennent chez nous, ils sont entre 5 000 et 8 000 € pour 20h d’accompagnement et 5 000 €, c’est le moins cher. J’ai trouvé un autre prestataire qui propose par téléphone uniquement. Ça coûte moins cher et c’est beaucoup plus mobile et pratique car c’est par téléphone. Je veux bien essayer. Du coup, on est nombreux, je dis on car j’en ai parlé avec ma collègue, il y a beaucoup de demande de ce genre… donc si on commence un coaching à 5 000€, comme avec l’autre manager où il y a eu un déclic - elle, c’était en urgence, c’était physique puisqu’elle avait été hospitalisée. Elle a demandé un coaching et on lui a payé - mais, vous vous rendez compte 5 000€ par personne, je vais en avoir 15 à 20 demandes sans problèmes là et du coup je n’ai pas de ligne budgétaire pour ça. Donc après il y a les solutions intermédiaires, les bilans de compétences, fait par un consultant coach qui permettra d’analyser à la fois son parcours professionnels, valoriser les savoir faire, les acquis et en même temps l’aider à avoir une autre représentation du travail et puis de ses croyances…
LACT : Donc en fait cette femme est très représentative d’une problématique générale : la solution la meilleure se serait pouvoir lui donner un accompagnement personnalisé sous forme d’un coaching mais évidemment cela pose problème…
Participant : D’autant plus que j’ai plusieurs demandes dans ce sens suite à tout ce que j’ai dit tout à l’heure et notamment la réorganisation, la nouvelle gouvernance avec comme actionnaire principal un fond d’investissement. Il y a donc du coup une perte incroyable de sens et il y en a plein qui ne se retrouvent pas dans la nouvelle organisation et puis il y a une défiance dans la nouvelle gouvernance…
LACT : Ok, donc ça si vous voulez on pourra discuter avec vous pour voir comment est ce qu’on peut aborder ce type de situation avec notre méthodologie de problem solving, qui est une solution budgétaire plutôt économique pour l’entreprise, sur des modalités pratiques assez proches du co-développement, justement… On vous en donnera donc un aperçu plus tard [lien sur le dispositif de l’intervention formative]. Je voudrais juste dire que le cas de cette personne est très fréquent, que nous en recevons de plus en plus, des personnes qui aujourd’hui sont plutôt des managers de proximité mais pas uniquement, et qui viennent pour ce type de difficultés très pénalisantes pour elle et viennent pour apprendre à savoir poser des limites.