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Approche systémique stratégique et hypnose

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      • Hypnothérapeute de formation médicale, Eva Houdebine associe l'accompagnement en hypnose et les voyages de la vie.

      Eva Houdebine explore comment le silence peut servir de pont vers l'intuition, l'insight et la résilience, particulièrement dans le traitement des psychotraumatismes. Cet article propose une réflexion sur l'utilisation consciente du silence comme un cadeau échangeable entre thérapeute et patient, débloquant des voies inédites de guérison et de compréhension mutuelle.

      Le silence en quelques motsLe silence en quelques mots

      Prenons un temps pour définir ce terme si polysémique du silence. Il est souvent plus facile de le définir par tout ce qu’il n’est pas, comme le faisait Hegel vis à vis du néant (Hegel, 1929). D’ailleurs nombreuses définitions trouvées données par les dictionnaires utilisent la négation ou l’abstraction : « fait de ne pas parler » (Le Robert, 2022), « absence de bruit » (Larousse, 2022), « interruption du son » (Larousse, 2022), etc.

      D’un point de vue étymologique, le mot « silence » en grec peut avoir deux définitions : c’est le contraire de parler, ou bien « moins le silence que la tranquillité, l'absence de mouvement et de bruit ». Il est intéressant de voir qu’ici il est déjà question d’un état qui est différent d’un autre.

      S’agissant de l’expérience de la relation thérapeutique, peut-on seulement le définir à travers ce qui n’est pas ? Le silence dans la relation est à la fois un espace et un temps, c’est un moment plein. Je l’appellerai l’instant émergent. Loin d’être quelque chose qui s'arrête, c'est le mouvement qui redémarre. Le silence laisse, pour commencer, de la place à chacun, thérapeute comme patient, puis à la relation qui s’installe dans cet espace. C’est aussi une porte d’entrée à tout ce qui peut s’inviter au cours de l’entretien, d’indicible ou d’invisible.

      Peut-être faut-il que certaines choses fassent silence” comme l’écrivait François Roustang, comme les ruminations par exemple ou les tentatives de solutions si on regarde d’un œil systémique. Du point de vue de l’hypnose, le silence c’est aussi le moyen de s’accorder à l’autre sans les mots, d’entrer en harmonie avec le corps, de synchroniser la respiration, le regard et les sourires.

      Dans notre monde très dynamique et fasciné par la communication, il peut être compliqué d’y trouver du silence. Quand cela est nécessaire, une autre perspective peut être saisie dans ce moment plein. D’ailleurs notre toute première relation au monde ne commence-t-elle pas par un silence ? Ce moment suspendu de tension lorsqu’un nourrisson naît, moment qui précède le premier cri, cet instant que la mère doit traverser avec toute son attention tendue et qui porte déjà les prémices de l’attachement.

      Quelle puissance possède ce premier silence dans l’émergence de ce qui va suivre ?

      Apprendre le silence en hypnose thérapeutique

      L’ échange de cadeau de Michelle Ritterman 

      L’approche de Michelle Ritterman, inspirée entre autres de Milton Erickson, accorde une importance particulière au silence. Notamment lors de ce qu’elle définit comme « l’échange du cadeau » entre le patient et le thérapeute. En effet, lors de cet instant où le patient a exprimé ce qui lui est problématique et qu’il l’offre ainsi au thérapeute, celui-ci doit réaliser l’ampleur de ce cadeau et décider de ce qu’il veut en accepter. La description de cet instant relationnel est intéressante et fondamentale pour la relation qui va s’ensuivre. Lorsque le temps est pris pour ce partage, chacun a la liberté d’offrir et de prendre ce dont il est capable dans l’instant. « Aujourd’hui vous me donnez ceci, aujourd’hui j’en prend cela ».

      Accompagner cette étape par le silence donne de l’espace au discours du patient autour de ce qu’il traverse, il s’agit de le laisser entrer en résonance avec l’ici et maintenant, sans y ajouter du sens ou une vision du monde issus du thérapeute. Par mon expérience j’ai pu observer que ce silence permet aussi au patient de s’entendre dans son problème comme s’il entendait l’écho de sa propre voix revenir vers lui. Un soupçon de changement s’immisce et donne du jeu dans la problématique.

      Milton Erickson disait que “le silence peut être observé comme une manière de supprimer les bruits et les interférences du langage” (Milton Erickson, 1970). Il permet de ponctuer le message tout en lui donnant l’intensité voulue pour qu’il soit percutant.

      Michelle Ritterman souligne également l’intérêt du silence à deux autres reprises lors de l’accompagnement. D’abord au moment de la transe elle-même, une fois le lieu relationnel sécure installé et lorsqu’on propose au patient de se confronter à ce qu’il veut en lien avec ce qui le perturbe. Le silence permet de faire émerger de l’inconscient tous sons, sensations, images ou souvenirs qui pourraient être intéressants à observer dans la situation présentée. Ma propre expérience m’a appris que plus le silence s’installe et se déploie dans le temps et l’espace, plus le contenu accessible au patient lui est pertinent. Cela renvoie également à la notion de temps et de transe, Michelle Ritterman citait alors Milton Erickson : « Tu as tout le temps dont tu as besoin dans le temps que tu as » qui utilisait cette suggestion avec des patients dont le temps était compté en soins palliatifs. Il y a ici un lien avec le silence qui possède une dimension intemporelle. Ce phénomène est encore plus marqué au cours de la transe où la perception des moments silencieux partagés est particulièrement différente de celle en état de conscience, tant dans la durée que dans l’intensité. Ainsi le silence offre le temps dont la relation a besoin. C’est en dehors de toute unité de mesure et seulement observable par ce qui est vécu comme nécessaire. Il y a d’ailleurs une synchronisation des respirations qui se met en place une fois que le silence a pu opérer dans toutes ses dimensions et que la parole peut intervenir à nouveau.

      D’autre part, le silence renforce l’empathie dans la relation. Dans le silence chacun peut observer et ressentir que l’autre prend le temps de l’attente, du partage d’un moment et d’une relation, avant même toute écoute et dialogue. Ainsi il peut être très utile d’utiliser ce critère observable comme une intention positive qui nous relie les uns aux autres.

      travailler avec l'émergence d’un insight avec Dan Short

      travailler avec l'émergence d’un insight avec Dan Short

      Dan Short aborde souvent le sujet  en tant qu’outil pertinent pour la thérapie qu’il nous a été présenté. C’est au cours de la session autour de «l’insight» que nous avons pu explorer le silence dans sa profondeur et son efficacité.

      Tout d’abord l’expérimentation de laisser de l’espace et du temps entre chaque séquence de mots permet un premier pas vers l’écoute de l’écho de la suggestion,  autant pour le thérapeute que le patient en accédant à l’impact de la suggestion. On peut alors en observer les répercussions individuellement (de soi à soi) et dans la relation (entre nous). Cette latence réactualise aussi la suite du propos qui, sans le silence, aurait pu être déterminé par le thérapeute. Ainsi une mise à jour instantanée avec les effets observables dans l’instant se fait, la relation s’accorde mieux et entre en résonance dans un nouveau champ de construction. Il m'est arrivé par exemple de commencer à induire une suggestion que j’imagine pour permettre au patient de fermer les yeux mais le silence me permet d’observer qu’il faut d’abord qu’il respire.

      « Maintenant que vous êtes là… (silence) avec moi… (silence) à l’écoute… (silence) de vos sensations… (silence) vous allez peut être pouvoir… (silence) {la personne prend une grande inspiration et pousse un long soupir alors que j’allais dire « fermer les yeux »}… respirer, voilà ».

      Cet exemple simple permet de mettre en lumière l’accordage qui s’affine pour être au plus près de ce qui est nécessaire dans la relation.

      Travailler avec l’émergence d’un insight requiert de pouvoir être à l’aise avec le silence dans l’accompagnement. En effet, si l'idée ici est de mobiliser l’inconscient comme source de solutions inédites, il convient d’utiliser une méthode d’approche du problème différente de celle déjà en place chez le patient. Comme il est fréquent que le discours mental permanent bloque l’apparition d’un insight, l’introduction du silence permet de mettre à distance ce fonctionnement.

      Cependant il semblerait que le silence doit être introduit avec certains fusibles pour qu’il soit confortable et non anxiogène. En effet, pour des patients dont la résistance pourrait être le contrôle, la plongée en transe avec un temps de silence dans l’attente de quelque chose peut être vécue comme intolérable voire comme une mise en échec. Comme le rappelle Dan Short, il est important de ne pas focaliser la personne sur la solution en tant que telle mais plus sur le résultat à observer dans les jours à venir. Pour reprendre ses propos, on met en contact la personne avec « quelque chose dont il n’est pas nécessaire de connaître la nature, ni de savoir comment, mais juste d’observer ce que cela peut changer maintenant que la difficulté est surmontée ». Par écho l’intervenant se laissant infuser par la suggestion peut se permettre de laisser dérouler le silence et faire confiance au processus dans la relation en cours.

      Le cas des psycho-traumatismes avec Julien Betbèze

      Dans la prise en charge des psycho-traumatismes, Julien Betbèze donne une place particulière au silence.

      Un premier point abordé concerne l’importance de rompre le silence dans lequel les personnes ayant subi un événement psycho-traumatique  peuvent vivre. C’est ici une notion tout à fait intéressante autour de l’idée que le silence peut être bloquant vers le chemin de la résilience. Dans ce silence s’installent les ruminations, les flashbacks et il peut également entretenir la sidération.

      Le second aspect insiste sur la nécessité d’accueillir le récit du patient dans le silence, en présence avec cette intention d’être « sur la berge » en lieu sûr pour y inviter le patient, silence qui permet d’éviter l’erreur de mettre du sens sur l’évènement traumatique.

      En revanche, on peut rationaliser le comportement vécu via des explications concernant la réaction en chaîne au niveau physiologique et biochimique. Cela va pouvoir ouvrir la porte vers un nouveau temps d’intégration de la suggestion « cette réaction est normale et naturelle, ce n’est pas votre faute ».

      D’expérience, le silence qui suit cette reconnexion a quelque chose d’instinctif, voire de primitif, n’est pas anodin. Il se déploie avec une gravité particulière, à  son rythme,  il court-circuite le mode de pensée de l’homme moderne. Le dialogue interne affolant et suffocant ne fait plus de bruit. On respire en suspendant le schéma de culpabilité face à ses valeurs blessées. Peut-être passe-t-on de l’étonnement ou de la surprise vers la sensation de retrouver un savoir. On expire en laissant à ce silence la place d’intervenir, on expérimente une dimension très particulière. C’est comme un retour à une énergie de protection et de préservation que nous partageons tous à travers le monde et depuis des millénaires. Si cette dimension peut être observée comme telle dans le corps et dans l’instant, alors un recadrage puissant s’opère.

      Le corps en relation de Bruno Dubos

      Pour compléter tous ces points de vue, il m’est nécessaire de décrire l’impact du module de Bruno Dubos sur ma pratique. Parler du silence sans développer l’idée du corps en relation me semblerait à ce stade incomplet. D’abord l’observation du corps du patient à travers le rythme, l’ancrage, le volume occupé, l’utilisation de ses axes demande un temps de pause avant d’ouvrir le discours autour de ce qui amène cette personne à venir consulter. Il renvoie alors à comment ce contact, cette relation qui se crée vient agir sur le corps même du thérapeute. L’introspection de cet instant demande de ralentir le rythme du début de la séance. Prendre un temps pour respirer ensemble par exemple.

      Vient ensuite la mise en mouvement des deux corps (patient/thérapeute) pour évaluer quelle sera la distance confortable. Si la consigne est annoncée, le mouvement se fait en silence, à l’écoute du ressenti.

      Après c’est l’expérimentation des corps en relation qui vient avec l’observation de la chaleur lorsque les mains se touchent et entrent en transe pour redécouvrir la fluidité, l’énergie de vie. Enfin c’est l’observation des mouvements plus ciblés, en fonction du besoin, comme l’ante et rétroversion du bassin du patient en relation avec la main du thérapeute, ou encore les mouvements d’accueil du tronc.

      Le silence c’est aussi le fait de laisser la place à deux autres communicants : les corps des deux personnes en présence. Avec cette approche on coupe les tentatives de solutions ou les dérives du discours pour mettre sur le devant de la scène le ressenti corporel. Il se crée une ouverture vers un autre vécu possible qui passe par son expérimentation à travers le corps en relation.

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