On a changé, on est heureux: rien à dire de plus. Mais quid si on le regrette? Et que décider en cas d'échec ou de rechute ? Comment faire de cette expérience une richesse ? Les réponses de la psychologue Claude de Scorraille.
Il arrive que le changement soit un succès mitigé ou un échec cuisant. Parfois on est retombé dans de mauvaises habitudes : on n'a pas mis les pieds dans une salle de sport depuis au moins trois semaines.Ou bien, on s'est parfaitement outillé pour changer, mais rien n'y fait : on a tout essayé pour mieux dormir et on est toujours insomniaque. Ou encore, on a bien commencé à changer, mais on n'est pas allé au bout: malgré le vif désir de « faire carrière», on est cloué au même poste. Les choses ont momentanément bougé, puis ont repris leur forme. À moins qu'elles n'aient bougé, mais pas assez. Que faire alors?
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Une experience toujours enrichissante
Quand les choses n'ont pas fonctionné comme prévu, il s'agit d'en tirer des leçons pour mieux nous connaître.
Si le projet nous tient vraiment à cœur, qu'est-ce qui n'a pas marché? Concernant cette assiduité à la salle de sport, par exemple, où avons-nous été en difficulté ? Est-ce nous qui avons raté quelque chose, ou l'environnement qui nous a mis des bâtons dans les roues?
« Le changement repose sur plusieurs dimensions : cognitive, émotionnelle, comportementale, relationnelle et conceptuelle, détaille Claude de Scorraille. Ce sont ces cinq dimensions qu'il faut interroger. Au niveau cognitif, aviez-vous des doutes, des ruminations? Du côté des émotions, avez-vous eu peur, vous sentiez-vous frustré? Quant aux comportements, êtes-vous allé trop vite, ou au contraire trop lentement? Sur le plan relationnel, avez-vous manqué d'aide, de soutien, de reconnaissance, vous sentiez-vous à votre place? Et enfin, où en est votre conception de ce changement? Votre idée est-elle toujours d'actualité? »
Tâchons de mener cette introspection en nous éloignant le plus possible de la culpabilité - bien compréhensible, cela dit. « C'est ainsi que vous obtiendrez des réponses et pourrez envisager une autre façon d'avancer, prendre à nouveau des risques, mais cette fois-ci riche d'un enseignement sans pareil.» Comme ces alpinistes qui ne sont pas arrivés au sommet et rebroussent chemin, mais qui, désormais au fait des difficultés qu'ils ont traversées, trouvent les moyens, intérieurs et extérieurs, pour retenter l'expérience. Pourquoi ne pas revenir quelques pages en arrière, relire ce dossier avec un regard neuf, et réfléchir à un nouveau parcours?
Et pourquoi pas l'abandon ?
Cependant, nous pouvons aussi réaliser que l'objectif envisagé n'a plus guère de sens. Nous avons changé nous-même au fil de ce changement, et nos valeurs, nos désirs, nos besoins ... aussi. Peut-être avons-nous élaboré ce projet pour répondre à des injonctions (« À 45 ans, je dois évoluer dans ma carrière! ») ou pour faire plaisir aux autres (« J'empêche mon conjoint de dormir»).
Mieux vaut être honnête plutôt qu'obstiné : avons-nous réellement besoin de prouver que nous avions raison? Il serait sans doute plus sage de renoncer que de camper sur nos positions. « Ce que l'on appelle les tentatives de solutions, c'est-à-dire tout ce qu'on met en place pour changer une situation que l'on perçoit comme douloureuse, peuvent paradoxalement maintenir le problème. Par exemple, si vous êtes insomniaque, vous vous obligez à dormir. Ou si vous détestez votre emploi, vous faites tout pour évoluer. Sans succès. Alors pourquoi ne pas faire le choix d'une action opposée ? Vous interdire de dormir par exemple, ou trouver des bons côtés à votre travail actuel.
En cherchant à vous adapter à la situation telle qu'elle est, vous déployez d'autres ressources. » Parfois, changer est impossible. Mais le problème est moins ladite situation que la façon dont nous la vivons. Or nous gardons toujours le choix de la vivre autrement. Carl Rogers, célèbre psychologue américain à l'origine de l'Approche centrée sur la personne, le disait déjà: « Il existe un curieux paradoxe : quand je m'accepte tel que je suis, alors je peux changer. »
Retour a la case depart
Dernier cas de figure : la déception. Sur le papier, nous avons réussi à prendre un chemin de traverse et sommes arrivé au but. Seulement, dans la réalité, nous ne sommes pas heureux. Nous avons quitté Paris pour la campagne ou un conjoint pour un ou une amant.e. Et voilà qu'une sorte de désillusion s'installe; c'est le temps des regrets. « Peut-être avez-vous idéalisé ce changement ». « Méfiez-vous de l'arrivée », disait Paul Watzlawick, psychologue américain membre fondateur de l'école de Palo Alto. Aucune nouvelle situation, ni aucun nouveau moi n'est parfait. Il faut apprendre à conjuguer avec les limites de la nouvelle donne qui, ' comme l'ancienne, présente des avantages et des inconvénients», analyse Claude de Scorraille. Et, si les seconds dépassent les premiers, admettre que ce virage n'était sans doute pas le bon. Le retour en arrière peut être envisagé, bien sûr, mais avec tout autant d'attention et de réflexion que le cheminement vers l'avant. Les mêmes questions doivent être posées : pour quoi, pour quelles raisons, dans-quel but, comment, avec l'aide et le soutien de qui? Ilne s'agirait pas de faire un pas en avant, puis deux en arrière sans jamais trouver une vie qui nous corresponde vraiment.