LACT est intervenu après les terribles attentats de Paris. Des dirigeants nous ont contactés soit parce qu’ils avaient des salariés qui sont morts, d’autres rescapés ou certains étaient endeuillés, ou parce que leurs locaux étaient à proximité des lieux d’attentats ou encore parce que les métiers exposaient leurs salariés au traitement d’une actualité largement médiatisée et durablement.
Nous avons pris en charge environ 400 personnes en consultation et seulement une dizaine eu besoin de poursuivre après un premier entretien. Les autres se sont senties apaisées.
Néanmoins, le succès doit rester relatif car en général, 9% des personnes exposées à un événement traumatique développeront un trouble de stress post-traumatique et celles-ci on ne les a pas vues. Il est probable que des demandes de prise en charge se multiplient dans les mois qui suivent.
Il est usuel pendant 4 semaines d’avoir du mal à faire face à sa vie présente comme avant, la relation à soi-même peut-être perturbée (on peut être submergé par ses émotions ou ne pas les trouver légitimes), avec les autres (on peut se sentir décalé ou les trouver bizarres ou inquiétants dans leurs propres réactions), enfin sa façon d’envisager son environnement est compliqué (par exemple prendre le métro est terriblement anxiogène, s’engager dans son activité de travail est pénible, etc).
Ces symptômes n’indiquent pas un problème psychologique mais une perturbation naturelle. Et notre condition d’être humain est programmée pour faire face, même au pire. Evidemment la médiatisation de l’événement dans la durée participe aussi à rendre plus intenses les réactions.
Que se passe-t-il juste après le choc, que l’on soit rescapé, endeuillé, agressé dans l’intimité de son territoire géographique ou touché plus indirectement par la nature de l’événement ?
Le choc produit du désordre et ce désordre prend la forme de désarroi et de confusion. Peuvent se mêler alors des manifestions émotionnelles : tristesse très forte, qui submerge comme une vague, une peur envahissante que l’on arrive pas à maitriser, une colère qui domine et qui se met à transpirer dans les rapports aux autres sous forme d’irritabilité ou d’agressivité. L’état de confusion est fort, il l’est peut-être plus encore si jusque-là on n’a pas été exposé à des situations traumatiques, et cette confusion prend souvent la recherche d’une tentative de contrôle cognitive : Pourquoi suis-je à fleur de peau ? Pourquoi cet événement ? Pourquoi suis-je rescapé ? Quel sens à la vie, quel sens a ma vie ?
Une culpabilité irrationnelle prend place, des doutes existentielles s’installent avec une impression de perte de sens particulièrement douloureuse.
Certains font l’épreuve de ce que Paul Watzlawick qualifiait à propos de ce genre de crise d’une angoisse de voir cette nuit ne jamais finir.
Ce que nous observons quand les réactions individuelles ou collectives ne sont pas appropriées peuvent se traduire en trois grandes catégories de conduites :
- On repère chez soi ou chez un autre des symptômes jugées invalidants ou démesurément inappropriés et là on tente d’agir très vite dessus, on s’efforce par exemple avec urgence et insistance à reprendre le dessus ou on impose des conseils à quelqu’un qui va mal… mais c’est trop vite et cela produit une fragilisation plus grande. Dont les effets dans le temps peuvent conduire à des décisions radicales de mobilité ou de séparation.
- Face à ces mêmes symptomes, une réaction opposée consisterait à attendre, à se mettre en retrait et donc à adopter une conduite d’évitement, la conséquence alors est de laisser pourrir la situation avec une même conséquence que précédemment.
- Enfin une troisième tentative tout autant dysfonctionnelle consisterait à ne pas agir trop vite ni trop attendre mais à avoir tendance à rationaliser des symptomes “spontanés”, en les raisonnant, puis à être confronté à l’inefficacité de ce processus de rationalisation et alors de renoncer avec au bout du compte le même type d’effet.
Force est de constater que le coeur a ses raisons que la raison ne connait pas... Alors quoi faire ?
Nos consultations ont pour objectif d’offrir un cadre d’action psychologique qui favorise le processus de résilience.
La première chose est de pouvoir apprivoiser le trauma : C’est une blessure qui se forme par la brutalité des faits qu’on ne pouvait pas imaginer, qui nous surprennent et qui sont effroyablement violents. Ils assombrissent le présent et bien sur l’avenir.
Il est important de normaliser le trauma : Il est normal d’être mal, seul l’événement est anormal. Ce type d’événement présente un aspect immoral. Il révèle « le côté obscure de la force » qui est propre à la condition humaine.
Le présent après le choc est donc sombre comme si on portait des lunettes noires. Et comme on pense l’avenir avec les yeux du présent l’avenir ne peut que paraître sombre également.
Les réactions sont différentes d’une personne à une autre.
Sur le plan social autant en janvier dernier avec l’attentat Charly hebdo, un consensus s’exprimait avec le slogan « not afraid » autant cette fois ci c’est plus la peur et la tristesse qui semblent dominer.
Ces réactions peuvent être différentes il convient d’apporter des réponses aux réactions spécifiques. Certains ont besoin de parler, des rescapés par exemple ont besoin de reprendre le travail quand d’autres ont besoin de cocooner… Il n’y a pas de règles en la matière.
En général, plus on est ébranlé et plus on a besoin de réconfort et ce besoin peut prendre différentes formes.
Quelle protection donner ?
Si l’on peut protéger attention à ne pas surprotéger car cela étoufferait l’autonomie précieuse pour faire face durablement. Avec les meilleures attentions on peut produire les pires effets, Repérez les effets de ce que vous faites et cessez ce qui ne marche pas ou pas bien.
Vous pouvez
- Offrir du réconfort par une écoute/une présence bienveillante
- Vous focaliser sur les réactions et sentiments plus que sur l’histoire et le ressenti
- Encourager le retour à l’action professionnelle, le travail est un facteur de santé
- Prévoir des espaces de détente
Il est important d’observer tout changement de comportement ou d’attitude qui démontrent une fragilité qui s’installe voire augmente dans le temps. Face à la persistance de symptômes de mal-être vous pouvez consulter ou inciter vers les consultations psychologiques.
Quand on doit faire face aux effets du trauma qu’on le vive dans sa chair ou qu’on le gère par son métier ou par solidarité on fait l’expérience de la vulnérabilité.
Prendre soin de soi est, il semble, un impératif éthique… Car le premier acte de force est de se confronter à sa propre vulnérabilité !
Les réponses que nous apportons pour faire face aux situations de crise traumatique : Suivent un processus. D’abord sous la forme d’un diagnostic opératoire avec une direction où seront précisés l’enjeu des dispositifs et du coup la stratégie à mettre en œuvre pour atteindre l’objectif visé, la communication la plus stratégique pour gérer la crise et enfin des indications sur les attitudes relationnelles les plus appropriées. Puis nous mettons en place trois types de dispositifs : Une cellule d’action psychologique par téléphone, une permanence d’action psychologique sur site, des ateliers d’accompagnement collectif.